Consultations, visites à domicile, accouchements… tout cela fait partie du métier de la sage-femme. Mais à quoi donc ressemble leur quotidien? Que se passe-t-il donc pendant une journée de garde. Angélique Coppens, sage-femme, témoigne.

6h 

Mon réveil naturel se fait entendre: ma fille a faim. Je la mets au sein dans notre lit et nous somnolons encore un peu. Mentalement, je parcours mon agenda: aujourd’hui est jour de consultations. Je ne suis pas de garde pour les accouchements. Je peux démarrer en douceur.

8h15 

Je dépose ma fille chez la gardienne et prends la route du cabinet

8h30

Arrivée au cabinet, j’allume mon ordinateur, je fais du café et du thé pour les familles qui viendront tout à l’heure. Il me reste un quart d’heure pour lire mes méls et parcourir les dossiers.

9h 

Première consultation de la journée. Stijn et Ann viennent pour leur contrôle médical de seize semaines. Pendant la demi-heure que nous allons passer ensemble, je vais, entre autres, prendre les paramètres de la future maman et écouter le coeur du bébé. J’en profite aussi pour demander au papa s’il a envie de sentir combien l’utérus a déjà grandi et et à Anne comment elle se sent physiquement. Elle n’a pas beaucoup de plaintes à ce stade; les nausées ont bien diminué et la fatigue aussi. Nous prenons rendez-vous pour dans deux mois, à vingt-quatre semaines d’aménorrhée. Entre-temps, Stijn et Anne verront le gynécologue pour l’échographie morphologique des vingt semaines. 

9h30 

Ouverture de dossier. Je reçois Sarah, qui est enceinte de son troisième enfante et que nous connaissons bien. Il faut dire que nous avons suivi ses deux premières grossesses. Le questionnaire médical ne prend donc pas beaucoup de temps et nous avons une heure pour bavarder à bâtons rompus. Si cette grossesse est très désirée, elle n’est pas tout à fait planifiée. Sarah se sent assez dépassée. Je prends le temps de l’écouter. Son visage se détend, elle semble avoir le coeur plus léger à présent qu’elle a pu parler. Je contrôle sa tension, fais la première prise de sang, en lui promettant de l’appeler au plus tard après-demain avec les résultats.

10h30 

Consultation médicale des 38 semaines. Eva arrive en fin de grossesse et la fatigue est visible. Elle est hors d’haleine rien que d’avoir monté les escaliers vers le cabinet. Je lui offre un verre d’eau avant d’écouter le coeur de son bébé. Je palpe son ventre pour vérifier qu’il est en bonne position vu l’avancée de la grossesse. Parfait, il est bien descendu. Je la rassure: le bébé viendra lorsqu’il sera prêt. Peut-être un peu plus tard que ce qu’elle ne l’espère, mais elle a tout le temps. Elle doit encore travailler une semaine mais en réalité, elle n’en peut plus. Ensemble, nous envisageons différentes options et elle prend les décisions qui lui conviennent.

11h

Tine est la dernière maman du planning ce matin. C’est une consultation d’une heure et demie. Nous allons avoir bien besoin de ce temps. Enceinte de 28 semaines, Tine combine son rendez-vous médical avec une séance de préparation à la naissance. J’ai l’intention de lui montrer les techniques Spinning Babies et d’aborder son plan de naissance. Quelles options sont possibles à quelle étape de l’accouchement? Souhaite-t-elle accoucher dans l’eau? Quelles en sont les conditions? Comment veut-elle vivre son travail, avec qui autour d’elle. Une fois chez elle, elle pourra y réfléchir à son aise. Dans six semaines environ, à 34 semaines, nous reviendrons sur la question et finaliserons son plan de naissance. Mais avant cela, je vérifie ses paramètres médicaux. Il s’avère rapidement que sa tension est un petit peu trop haute. Et comme ça traîne depuis un certain temps, j’appelle son gynécologue. Nous nous mettons d’accord sur une prise de sang de contrôle. La suite du suivi dépendra des résultats. 

12h30 

J’ai terminé ma matinée. J’ai une pile de travail administratif qui m’attend mais ce ne sera pas pour tout de suite. Car mes collègues arrivent pour notre lunch de travail. Je présente quelques familles au sujet desquelles je voudrais avoir leur avis. Nous planifions aussi le mois prochain: les vacances arrivent bientôt et nous devons veiller à ce que la permanence quotidienne soit bien assurée.

13h45 

Mes collègues et moi partons pour les visites à domicile. Ma collègue Eva reste, quant à elle, au cabinet. Il faut préparer les paquets d’accouchement et remplir les armoires à matériel: gants stériles et non stériles, seringues, aiguilles, matériel pour prise de sang, compresses, désinfectant… et à 15h, elle a rendez-vous avec le comité local des généralistes et des sages-femmes.

14h00

Je suis toute impatiente pour ma première visite de l’après-midi. Jonas est né il y a trois jours et j’ai eu l’honneur d’accompagner Freya et Tom à l’hôpital, avec la sage-femme de service. Une belle naissance sur le tabouret d’accouchement. Je me demande comment ils vont. Installés dans le salon, nous reparlons de la naissance. Quel a été leur vécu? Qu’est-ce qui leur reste de cette expérience? Freya ne se souvient pas très bien des poussées. Elle est contente que je lui rappelle les événements. Tom a trouvé le tabouret fabuleux.  Assis derrière sa compagne, il a perçu toute la puissance de son corps. Je le sens encore impressionné. Jonas se réveille, nous montons pour les examens médicaux. Chez Freya, je vérifie la hauteur de l’utérus, les pertes de sang, les points de suture, la tension tandis que pour Jonas, je m’attarde sur sa coloration, son cordon ombilical, je le pèse. Ensemble nous observons une tétée pour voir si tout roule. A 15h30, j’ai fini et nous nous donnons rendez-vous pour le lendemain. 

15h40 

Deuxième visite de l’après-midi. Sophie a accouché il y a un mois de son deuxième bébé. L’allaitement lui fait encore un peu mal.  Nous essayons la position “ballon de rugby”, ce qui la soulage considérablement. Je les laisse, elle et son bébé, chercher à eux deux, je me contente de faire des propositions quand c’est nécessaire, soucieuse de respecter cette maman. Pour son premier enfant, Sophie a très mal vécu l’approche brutale, tant pour sa fille que vis-à-vis de son corps lorsqu’on lui a montré comment allaiter. Je suis donc d’autant plus vigilante. Sophie s’en rend compte et me fait part de sa gratitude.

16h30 

En temps normal, j’aurais encore une visite à domicile. Mais comme ma garde démarre tout à l’heure, je vais chercher ma fille et m’offre quelques heures de qualité avec elle.

19h

Début de ma garde. Jusqu’à demain 19h, je suis disponible pour toutes les questions, les visites à domicile urgentes et les accouchements.

21h

Ann appelle. Elle a eu une grosse journée de travail et elle est inquiète : elle sent moins bien bouger son bébé, son ventre lui fait mal. Nous discutons des différentes options. 

21h45

Appel de Tara. Enceinte de 22 semaines, elle présente des pertes de sang soudaines. Je l’envoie à la salle d’accouchement que je préviens de son arrivée. Je leur transmets toutes les informations nécessaires et l’équipe promet de me tenir au courant.

22h

Je grimpe dans mon lit. Ma fille chérie vient de manger et j’aurais peut-être quelques heures de repos avant le prochain accouchement.

23h15 

Le téléphone sonne. Hannelore a perdu les eaux. Enfin, c’est ce qu’elle pense, elle n’est pas certaine. Après lui avoir posé quelques questions, je décide d’aller voir sur place. Je sors de mon lit, je m’habille et en route! C’est Nedka, sa compagne, qui m’ouvre. Elle est persuadée que Hannelore a vraiment perdu les eaux. Et peut-être même qu’elle a des contractions? Je retrouve Hannelore dans la cuisine, en t-shirt et petite culotte, avec sous elle un essuie mouillé. Je ne peux pas m’empêcher de rire à ce spectacle cocasse. Je l’installe sur son lit et de fait, la poche des eaux s’est rompue. Le bébé va bien, le liquide amniotique est clair. Je ne vois pas encore grand-chose des contractions dont parlait Nedka. Elle est bien trop stressée. Je masse les pieds d’Hannelore et lui laisse quelques instructions. Si elles ont besoin de moi plus vite que prévu, elles n’ont qu’à appeler. Je suis là pour elles.

1h30

Me voilà de retour à la maison, et je me pelotonne au chaud dans mon lit. 

2h50 

Nedka appelle. C’est vraiment parti, à présent! Hannelore est sur le ballon, avec des contractions.

3h15 

Arrivée chez Nedka et Hannelore, je vois qu’elle a raison, Hannelore est bel et bien en travail. Elle voudrait rester le plus longtemps possible à la maison, mais quand même accoucher à l’hôpital. Avec son accord, je l’examine: col effacé et dilaté à 4 cm. Joli! Hannelore gère très bien. Je l’aide en exerçant une légère pression sur le bas de son dos. Tous les quarts d’heure, j’écoute le coeur du bébé avec mon doptone. Je parcours aussi son plan de naissance. 

5h

Hannelore décide de prendre un bain en haut. Je reste au rez-de-chaussée, soucieuse de lui laisser ce temps pour elle. Nedka me sert un café serré tandis que j’envoie un message aux collègues. Je préviens aussi la maman que je devais voir chez elle à 9h: j’aurai du retard. Elle me répond illico “bonne chance!”. Elle, elle est probablement en train d’allaiter…

6h30 

Hannelore est sortie du bain, avec de bonnes contractions aux trois minutes. Comme elle veut savoir où elle en est, elle me demande de l’examiner. Six centimètre, magnifique! Elle souhaite partir pour l’hôpital. Pendant que Nedka rassemble leurs affaires, Hannelore passe aux toilettes et j’appelle la salle d’accouchement.. Je tombe sur Stien, la veilleuse de nuit, qui va assurer la transmission auprès des collègues. Je lui communique les informations médicales, le genre de chambre que souhaite Hannelore. Elle me demande si elle doit déjà remplir la baignoire. On se dit toutes les deux que ce serait une bonne idée. Les choses pourraient bien s’accélérer.

7h 

Nous voilà en route. Je suis de près la voiture de Nedka et Hannelore.  Ainsi, je les ai à l’oeil pour les soutenir au besoin. Ma collègue Ruth m’appelle. Elle va reprendre le téléphone de garde pour répondre aux questions urgentes et que je puisse me concentrer sur l’accouchement. Je lui suis très reconnaissante! 

7h20 

Arrivées aux urgences, l’infirmière me reconnaît et nous souhaite bonne chance! Pas besoin d’une chaise roulante. Hannelore veut marcher. Je décide d’en prendre une au cas où elle changerait d’avis en cours de route.

7h30 

Sur le chemin de la salle d’accouchement, Hannelore a traversé environ trois contractions, et à présent, elles reviennent en force. La sage-femme du matin nous accueille chaleureusement. Elle a fait chauffé la pièce, la lumière est tamisée et la baignoire à demi-remplie. Nedka observe tout cela avec émerveillement. Hannelore ne se rend pas compte de grand-chose, trop occupée à gérer les contractions. Cela devient difficile, nous dit-elle. Et ça pousse tellement fort. Est-ce que ça va durer encore longtemps, me demande-t-elle. Je l’examine à nouveau: la dilatation avance. Elle est à 7 centimètres et son bébé est bien bas. Hannelore reprend courage. J’écoute le coeur du bébé, ce qui n’empêche pas cette maman de continuer à bouger librement. Nedka appuie sur le bas de son dos tandis que je la guide, une contraction après l’autre. J’évalue la situation avec la sage-femme de garde et nous préparons tout pour la naissance.

9h30 

A peine installée dans le bain, Hannelore ressent le besoin de pousser. A trois autour du bain, nous l’encourageons en douceur. Elle sent quand elle doit pousser et son bébé descend petit à petit. 

9h45 

Hannelore a trop chaud. Elle veut sortir du bain.Quelle position prendre, demande-t-elle. Je la laisse choisir : peu importe la position, pourvu qu’elle lui fasse du bien.

La voilà sortie du bain, à quatre pattes sur le lit. Voilà qui est bien mieux. A la poussée suivante, une petite tête apparaît. Nedka me regarde, dubitative : peut-elle accoucher ainsi? Nous la rassurons. C’est une position idéale.

10h30 

Noah est né. Il savoure le peau-à-peau avec sa maman. Nous rayonnons toutes. Noah se met à chercher le sein. La sage-femme du service et moi les installons confortablement et quelques instants plus tard, Noah tète vigoureusement. 

12h

Je quitte Nedka et Hannelore. Je vais les revoir très bientôt. Elles souhaitent rester une nuit à la maternité et rentreront probablement demain. Mes collègues et moi prendrons alors le relais. Je passe au bureau des sages-femmes pour remercier la collègue pour cette belle collaboration et discuter de l’une ou l’autre question. 

13h 

C’est l’heure du petit-déjeuner. Je m’arrête chez le boulanger pour deux croissants et un grand café à emporter, et je vérifie mes méls. J’ai reçu les résultats sanguins de Sarah: son fer est un peu bas. Je l’appelle pour lui dire que j’enverrai une prescription pour des suppléments. 

Entre-temps, ma collègue Ruth m’a retransféré le téléphone. Elle me fait un petit briefing de la nuit. Personne n’est en travail mais une dizaine de coups de fil avec de petites questions. Pas de visites à domicile urgentes supplémentaires. Et la salle d’accouchement a appelé pour Tara. Elle sera hospitalisée pendant quelques jours à cause de ses pertes de sang. 

14h

Je suis devant la porte de Manon, la maman qui m’a souhaité bonne chance la nuit dernière. Je viens la voir pour les “coliques” de sa petite fille. Et de fait, elle était en train de la nourrir hier lorsqu’elle m’a envoyé le message. Elle est surprise de ce que je n’ai pas encore dormi depuis notre échange. Ce sera pour plus tard. Examinons d’abord la petite Fien.

15h30 

Je suis sur la route du retour. Arrivée à la maison, je me douche avant de m’installer devant l’ordinateur pour boucler mon travail administratif. Je complète tous les dossiers, je réponds à mes méls. 

16h50

Appel de Maya. Elle a accouché il y a deux mois mais là, elle ne se sent pas bien du tout. Son sein gauche lui fait mal, elle pense qu’elle a de la fièvre. Je décide de passer la voir.

17h10

Quane Maya m’ouvre, elle me confirme mes suspicion de mastite. Ensemble, nous mettons son petit garçon au sein et je lui masse le sein pour que le lait se remette à couler. Nous établissons un protocole à suivre et elle surveillera sa température. Heureusement, elle n’a pas encore de fièvre, mais c’est à tenir bien à l’oeil. Elle va me tenir au courant et en fonction de la situation, je repasserai demain.

18h30 

Enfin chez moi. J’ai presque fini ma garde. J’appelle brièvement ma collègue qui reprend la garde à 19h pour la briefer et lui transférer les appels. J’ai fini ma journée de travail.