Mon accouchement.
Le jour le plus intense de ma vie. 

 

J’ai accouché le 2 juin 2020 à 21h06 de ma petite merveille Cléo. J’étais loin de me douter que cette aventure durerait 22h et serait d’une intensité à toute épreuve.

Après une belle journée ensoleillée de 1er juin, journée où j’en avais profité pour faire une grande sieste au soleil dans le jardin (peut-être avais-je senti que le moment tant attendu allait arriver), je suis allée me coucher aux alentours de 22h30. 
J’avais une grande envie de faire ma première rencontre avec ma fille et, en même temps, j’adorais tellement mon 3eme trimestre que je ressentais une pointe de nostalgie à l’idée qu’il s’arrête. 
Au cours de la journée, j’avais ressenti par ci par là quelques pincements dans le bas de mon ventre mais encore rien d’alarmant. Vers 23h, les douleurs ont commencé à se régulariser et à s’intensifier. Je ne le savais pas encore mais je ne fermerais pas l’œil de la nuit.

Au cours de la nuit, j’alternais les bains chauds, les respirations, les bouillottes dans le bas du dos, les étirements sur le ballon et le décubitus latéral. J’essayais de fermer l’œil mais en vain. 
Étant sage femme de formation, je m’auto-examinais. Je souhaitais faire un maximum de mon travail à la maison si la santé de Cléo et la mienne, bien évidemment, me le permettaient. 
J’étais fatiguée mais heureuse. J’attendais mon premier enfant et le bonheur de faire bientôt sa rencontre était plus fort que tout. Mes douleurs se centraient uniquement dans mon dos. Je n’arriverai plus à les décrire après coup mais jamais je n’avais ressenti de telles sensations. Sensations qui vous touchent au plus profond de votre être et qui vous demandent une confiance énorme en vous et en votre bébé, un lâcher prise gigantesque…

Vers 4h55, je souhaitais aller me promener. J’ai donc descendu les 14 étages de notre building à pieds, accompagnée de mon compagnon et nous voilà partis pour une balade dans le parc situé en bas de chez nous.
Les contractions se présentaient toutes les 4 minutes, m’obligeant à m’arrêter et à me pencher vers l’avant pour rendre les sensations moins inconfortables. 
À notre retour, j’ai continué la matinée à enchaîner massages du bas du dos, bains chauds et positions, tout en m’aidant de ma respiration. Durant ma grossesse, j’avais beaucoup pratiqué le yoga et la pleine conscience en m’aidant de divers ouvrages dont le livre de Nancy Bardacke “se préparer à la naissance en pleine conscience”.

Aux alentours de 11h40, j’étais à 4 cm et je sentais que j’avais besoin de davantage de soutien, besoin d’une personne qui pourrait me guider et m’aider à passer au travers de mes sensations intenses. J’ai donc appelé ma sage-femme Sarah. J’avais fait le choix d’être suivie tout au long de ma grossesse par l’équipe de sages-femmes d’Amala, située à Saint Gilles.

Sarah est arrivée telle une petite fée à 12h45. Ce fut un grand soulagement pour moi. Sarah m’a accompagnée tout au long de mes contractions et a aidé mon compagnon à trouver sa place à mes côtés. Elle m’a aidée à me détendre en me permettant de libérer des sons qui relâchaient ma mâchoire et de ce fait mon col. Nous avons continué à alterner positions, suspensions, bercement dans les bras de mon compagnon, bains, respirations, tout en lâchant toutes les tensions à chaque contraction grâce à ce « OM » libérateur que j’exprimais à haute voix. 

 Sarah vérifiait à intervalles réguliers les battements de cœur de Cléo. Elle se portait comme un charme. Je sentais qu’elle allait bien et j’avais confiance

Picture by Marine Hardy

Les sensations ressenties dans le bas de mon dos s’intensifiaient et devenaient parfois difficilement gérables.
À 16h30, j’étais à 6-7 cm et ma poche des eaux était bombante. Sarah nous a donc conseillé de nous mettre en route pour l’hôpital Erasme. Je souhaitais accoucher au cocon, un gîte de naissance intra hospitalier géré par des sages-femmes et situé dans l’hôpital Erasme. 
La route fut difficile car j’étais assise côté passager et chaque contraction dans cette position était un supplice. C’était également l’heure de pointe, ce qui nous a fait prendre 1001 détours. J’aspirais à arriver dans ce cocon. 
Nous sommes arrivés un peu après 17h sur le parking des urgences. Je commençais à avoir du mal à gérer. À chaque contraction, je me jettais sur le sol à 4 pattes ou je m’accrochais au cou de Sarah ou de mon compagnon et j’émettais le son « OM ». Je pense que les passants ont bien du rire. Je me souviens des ouvriers qui refaisaient le trottoir. J’étais à bout.

 

Une fois arrivés au cocon, un bain m’attendait. Merci Sarah d’avoir prévenu de notre arrivée. Je m’y suis glissée et je flottais sur ce fameux coussin d’allaitement gonflable. Quelle agréable sensation. J’ai demandé à mon compagnon d’allumer le baffle et d’y mettre ma playlist. Les rythmes africains s’y enchaînaient. Musique que j’avais écoutée tout au long de la grossesse et fait écouter à ma petite Cléo. 
La douleur dans le dos était ce qu’il y avait de pire à gérer et était d’une intensité insoupçonnée. Tout était centré dans le bas de mon dos. Je commençais à craindre l’arrivée de chaque nouvelle contraction. Aux alentours de 19h, après avoir à nouveau alterner bains et suspensions, ballon et 4 pattes accompagné de massages/pressions du dos, Sarah m’a réexaminée. J’étais à 8 cm, poche toujours bien bombante. 
J’étais déçue de n’être qu’à 8 cm et je commençais à perdre pieds face à l’intensité des contractions. On m’avait dit :  « tu oublieras ces douleurs » et j’avoue que je suis incapable de les décrire exactement aujourd’hui, 4 mois plus tard. 
J’ai donc demandé à ma sage-femme s’il ne fallait pas rompre ma poche, car je n’étais pas sure d’encore pouvoir tenir longtemps, et que si ça ne bougeait plus je demanderais la péridurale. J’étais déçue au fond de moi mais je ne pouvais quasi plus faire face. 
À cet instant, la poche s’est rompue. Et je pense que le col s’est légèrement refermé. Je perdais pieds alors Sarah, qui connaissait mon projet d’accouchement, m’a proposé de tenter le kalinox, appelé aussi gaz hilarant. J’ai accepté comme dernière alternative avant la péridurale. 
Je me suis mise en décubitus latéral droit sur les conseils de Sarah, puis à 4 pattes tout en inspirant de toutes mes forces à travers le tuyau amenant le protoxyde d’azote dans mes poumons. J’étais shootée et à côté de ça j’ai complètement  perdu pieds face à la douleur qui devenait insupportable. J’ai hurlé, je voulais ma maman pour me blottir contre elle. Mon dos était tellement douloureux. Je craignais la contraction suivante.
J’ai fini par demander ma péridurale. J’ai même crié que je voulais une césarienne. Sarah m’a proposé de m’examiner avant ce que j’ai accepté.  Si je voulais la péridurale, il fallait quitter le cocon pour rejoindre le bloc d’accouchement standard. 

 

Il était environ 20h et j’étais à 9 cm. Sarah pensait que Cleo s’était mise en position  postérieure, c’est-à-dire son dos contre ma colonne. Dans cette position, le travail est plus long et le passage du nouveau-né plus difficile à travers le bassin.
Elle m’a demandé si Hannah, la sage-femme du cocon pouvait examiner pour donner son avis. Hannah m’a examinée une dizaine de minutes plus tard. J’étais à 10 cm, bébé était entrain de s’engager. Je n’y croyais plus.  Cette fameuse phase de désespoir où on n’y croit plus et on ne peut plus. Et c’est là que le miracle arrive. 
Sarah et Hannah m’ont dit : tu veux aller dans le bain pour pousser ? J’ai dit ‘oui’. Une fois dans le bain, j’ai commencé à ressentir le réflexe expulsif, ce réflexe qui fait que tu ne peux plus rien faire d’autre que pousser. Je ne trouvais pas ma position. Ni le décubitus latéral, ni le 4 pattes ne m’étaient confortables. J’ai donc décidé de me mettre sur le dos, les deux pieds sur la paroi de la baignoire, me permettant d’effectuer une contre pression.  Devant l’intensité des sensations ressenties à ce moment dans mon vagin/périnée, j’ai à nouveau perdu pieds et crié que je souhaitais une péridurale. Cette sensation de pression nouvelle pour moi m’a fait peur… j’avais l’impression que je n’y arriverais jamais et que mon périnée allait se déchirer face à la tension ressentie. Sarah et Hannah m’ont rassurée et m’ont encouragée. J’hurlais à chaque contraction et je donnais tout ce que j’avais pour pousser le plus fort possible malgré la peur qui m’animait fasse à ces sensations. Puis je me suis dit : « plus le choix Emilie, il faut tout donner ». 
Hannah m’a appris à contenir mon cri et à le transformer en « tssssss », de faire le serpent en quelque sorte. Ça m’a beaucoup aidée. Je mettais ma main sur mon périnée pour sentir ma petite Cléo qui s’approchait et pour me rassurer. 

Cléo a fini par sortir sa petite tête à 21h02. Il m’a fallu attendre 4 minutes avant qu’une contraction ne revienne et me donne l’envie de pousser à nouveau. Cléo est donc née à 21h06. Elle est venue se poser sur ma poitrine. Jamais de ma vie je n’avais ressenti une peau si douce. Elle était si belle et mon regard s’est illuminé. 
Je venais de vivre la plus dure, la plus intense et la plus magique expérience de ma vie. J’ai dû aller puiser au plus profond de moi-même, faire confiance à mon corps, à mon bébé et faire face à un lâcher prise énorme et nécessaire. J’ai fait connaissance avec mon bébé mais aussi avec la femme que j’étais et là maman que je devenais. 
Ce sentiment qui m’anime encore aujourd’hui est intense et indescriptible en même temps. Je vis sur mon nuage depuis ce jour et même si j’ai  failli lâcher et perdre pieds, je recommencerais cette expérience extraordinaire sans hésiter. 

Ce sont les deux plus belles rencontres de ma vie : avec ma fille et avec moi même.