De la peur à la puissance: mon chemin vers un enfantement libre
Lorsqu’on a vécu un traumatisme, on cherche à tout prix à éviter de le revivre. Mais parfois, cela nous freine dans nos choix, dans nos besoins.
Mon premier accouchement a été un véritable choc. J’avais choisi d’accoucher à domicile, portée par mon instinct et mon désir d’éviter un environnement médicalisé. Après de longues heures de travail, j’ai dû me résoudre à aller à l’hôpital, où j’ai vécu des violences obstétricales qui m’ont marquée à jamais : une absence totale de communication, une instrumentalisation brutale de mon corps, une ventouse posée sans explication, une épisiotomie réalisée sans mon consentement, j’ai vécu une dissociation où j’ai eu à revivre l’excision que j’ai subit quand j’étais enfant et surtout, une gynécologue dont l’attitude m’a profondément blessée. Ce premier accouchement a laissé des traces, à la fois physiques et psychologiques.
Après mon premier accouchement, qui a été très difficile, l’idée d’un deuxième me semblait impensable. Et pourtant, le 7 juin 2024, un test de grossesse positif a tout bouleversé. Entre la joie immense d’accueillir un nouvel enfant et la peur de revivre le pire, mon esprit était en ébullition. J’étais en pleine période d’examens, avec un voyage en Guinée prévu quelques jours plus tard. Où faire mon suivi ? Comment gérer cette grossesse ? Je savais une chose : je ne remettrais pas les pieds à l’hôpital où Sonna est née il y’a 5 ans. Mais les sages-femmes qui m’avaient accompagnée lors de ma première grossesse ne faisaient plus d’accouchements. Il me fallait trouver une nouvelle équipe, une nouvelle confiance.
Après quelques recherches, j’ai trouvé un groupe de sages-femmes. Le premier contact a été bienveillant, mais je sentais une certaine réserve de leur part en écoutant mon histoire… Comme si mon premier accouchement laissait planer un doute sur mes capacités. Pour elles, il était hors de question que j’accouche chez moi à la maison. Elles m’ont bien exprimée qu’elles ne se sentaient pas en confiance au vue de mes antécédents. Ce manque de confiance et ce doute se sont accentués encore plus lorsqu’elles ont su que j’avais subit une MGF. Bref…
Puis, par un heureux hasard, je suis tombée sur un post de @zwanger_in_brussel annonçant qu’elles reprenaient l’accompagnement des naissances. Elles m’avaient suivie pour ma première grossesse, et cette nouvelle a été une évidence. Nous avons pris rendez-vous, et dès les premiers échanges, nous avons su que c’était la bonne décision. Elles se souvenaient de mon histoire, elles avaient à cœur de m’aider à réécrire mon expérience de la naissance. Le suivi a commencé. Cette fois-ci, tout serait différent.
Partie 2 : Un moment puissant
Le grand jour est arrivé. Au réveil, vers 6h, des douleurs de règles, comme les jours précédents. Rien d’alarmant, pensais-je. Jonas et Sonna se préparent : il doit la déposer à l’école avant d’aller travailler. Ce matin-là, nous avons aussi rendez-vous chez @zwanger_in_brussel pour une consultation de routine à 10h. Avant de partir, Sonna me fait un bisou et me dit, avec toute son innocence : « Maman, encore neuf jours et ma petite sœur sera là… » Il est environ 8h30 quand ils quittent la maison, mais juste avant, j’avertis Jonas : la douleur devient plus intense. Il me rassure et promet de faire vite. À son retour, le travail s’est intensifié. Dans l’intimité et la douceur de notre foyer, mon corps commence réellement à ouvrir la voie à la naissance. Je demande à Jonas d’appeler la sage-femme pour lui proposer de venir chez nous, plutôt que d’aller à notre rendez-vous.
À 10h, Florence arrive. L’ambiance est sereine, chaleureuse. Vers 10h45, je suis dilatée à 3 cm, mais bébé est encore haute. À 11h15, Florence me conseille de me reposer. Elle me borde dans le lit sous une grande couverture, Jonas à mes côtés, pour laisser l’ocytocine faire son travail naturellement. Les contractions s’intensifient. C’est intense, difficile, mais cette fois, je suis entourée d’une équipe qui croit en moi. Florence me masse le bas du dos pour m’aider à traverser chaque vague de douleur. À 13h, elle appelle Hanne en renfort. Elle arrive environ 30 minutes plus tard. Je bouge, j’explore différentes positions, j’écoute mon corps. Les sages-femmes surveillent le cœur de mon bébé, et tout va bien. Elle gère comme une grande.
Vers 14h, Jonas remplit la piscine de naissance. Cinq minutes plus tard, ma poche des eaux se rompt… et le liquide est teinté de méconium. Un petit stress flotte dans l’air, mais Florence et Hanne restent confiantes et maîtrisent la situation. Elles m’expliquent qu’à partir de maintenant, elles écouteront le cœur de bébé après chaque contraction. Je suis presque complètement dilatée… À 14h40, je rentre dans l’eau, et quel soulagement ! La chaleur me détend immédiatement. Je m’agenouille, puis je m’allonge sur le dos, avant de revenir à genoux. Je sens la tête de mon bébé qui appuie sur mon périnée, elle est là, à quelques instants de moi… mais la peur m’envahit. Je panique. « Je ne vais pas y arriver. C’est trop dur. J’ai mal. » Je veux respirer, accompagner les contractions, mais mon corps se fige. Et puis, vient le moment de pousser.
Mais je me retiens car dans ma tête, les mots du gynécologue de mon premier accouchement résonnent comme un écho : “Vous n’êtes pas faite pour accoucher à la maison.” “Votre bassin va exploser si vous essayez… vous les femmes africaines vous avez un autre type de bassin…” Ces phrases m’enchaînent. Mon esprit doute, alors que mon corps sait. Et puis, Florence pose une main sur moi et murmure : « Tu es en sécurité. Tu es capable. Ton corps sait. » À cet instant, quelque chose se libère en moi. Deux contractions plus tard, Imani est là.
Je sens d’abord sa petite tête et des cheveux tout doux puis est né son corps entier. C’était puissant, indescriptible. Je me retenais, mais mon corps a pris le relais. Il a su quoi faire, tout seul. Je n’ai plus rien contrôlé, je l’ai simplement laissée venir au monde. Je me suis surprise à dire « Woooooww !!! » lorsque j’ai sentie mon corps aller vers l’avant, pousser tout seul et expulser ce magnifique bébé hors de mon ventre.
Je l’attrape et la sors de l’eau. Je n’arrive pas à y croire. Elle est là, dans mes bras. En bonne santé. Un petit pleur, puis déjà, elle cherche mon sein et dans ce moment suspendu, j’ai su. J’ai su que j’étais puissante. Que mon corps savait. Que tout ce qu’on m’avait dit avant n’était qu’un écran de fumée. Quel miracle!!! Je venais d’enfanté en pleine conscience, en pleine puissance. Une naissance à l’opposé de ma première. Une naissance où j’étais actrice, où j’étais respectée, où j’étais moi. Cette naissance m’a transformée. Elle m’a montré que j’étais capable de bien plus que ce que j’avais toujours cru. Que mon corps était puissant, que mon esprit pouvait traverser des tempêtes et en ressortir grandi. Je repense souvent à ce que l’on m’avait dit après mon premier accouchement : “Vous n’êtes pas faite pour accoucher naturellement.” Aujourd’hui, je sais que c’était faux. Je suis faite pour donner la vie. Comme toutes les femmes. Et c’est un savoir que plus jamais personne ne pourra m’enlever.
Une dernière chose, ÉCOUTEZ-VOUS et faites-vous CONFIANCE !!