La délivrance, c’est-à-dire la naissance du placenta, fait partie intégrante de l’accouchement. La plupart du temps, cette phase se déroule de façon spontanée, ce n’est que plus rarement qu’il faut lui donner un coup de pouce. Quand et pourquoi alors parfois intervenir?

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Une hémorragie post-accouchement, causée potentiellement par le placenta, peut avoir des conséquences sérieuses. Pendant cette première rencontre entre la mère et son enfant, il se passe plein de choses dans le corps de la femme.

 

La naissance physiologique du placenta

 

La délivrance fait partie d’un processus complexe qui commence avant la naissance du bébé. L’ocytocine y joue un rôle important. D’une part, cette hormone permet l’élasticité de l’utérus qui peut ainsi grandir pendant la grossesse et reprendre ensuite sa taille initiale. D’autre part, elle permet aux fibres musculaires de l’utérus de se raccourcir à des intervalles de plus en plus réguliers pendant le travail, créant ainsi les fameuses contractions.

 

Le placenta se détache
Rachel Reed placenta

“L’odeur, le toucher du peau-à-peau, la voix, le goût, les mouvements, tout y contribue: le bébé rampe sur le ventre de sa maman en quête du sein, ses pieds stimulent l’utérus, il lèche d’abord le sein, puis boit.”

Après la naissance du bébé, on observe un moment de répit. Le sang résiduel du placenta pulse via le cordon jusqu’au bébé, qui commence à respirer tout seul. De ce fait, le placenta se vide et diminue en taille. Lorsqu’on ne dérange pas la maman et le bébé pendant ce temps, le contact physique entre eux va restimuler la production d’ocytocine et l’utérus va se remettre à contracter. L’odeur, le toucher du peau-à-peau, la voix, le goût, les mouvements, tout y contribue: le bébé rampe sur le ventre de sa maman en quête du sein, ses pieds stimulent l’utérus, il lèche d’abord le sein, puis boit.
En se contractant, l’utérus comprime le placenta. Le sang résiduel reflue vers la muqueuse utérine, les vaisseaux qui nourrissaient le placenta se rétrécissent. De ce fait, le placenta se détache et un caillot se forme à l’arrière. Chez l’une, ce processus sera plus rapide que chez l’autre.
Une perturbation à n’importe quel stade de la naissance peut ralentir le travail; il en va de même pour la délivrance lorsqu’on dérange la mère et l’enfant. Les complications qui s’ensuivent sont dues au fait que l’adrénaline, produite en situation de stress, contre l’action de l’ocytocine.

 

L’envie de pousser qui revient

“Lorsque la femme pousse une dernière fois, le placenta sort, généralement avec peu d’effort.”

Rachel Reed Placenta 2
Les contractions puissantes décollent ensuite les bords opposés du placenta, fermant ainsi les vaisseaux qui restaient ouverts et empêchant l’hémorragie. Le système de coagulation continue son ouvrage en maximisant la production de caillots destinés colmater les vaisseaux déchirés.
C’est alors que la jeune accouchée peut remarquer des pertes de sang; le cordon descend un peu plus bas, en fonction de la progression du placenta. Le col de l’utérus reste ouvert et lorsque la maman se lève ou s’assied, le placenta ne rencontre pas de résistance et tombe dans le vagin. Lorsque la femme pousse une dernière fois, le placenta sort, généralement avec peu d’effort.

 

Lorsque la délivrance tarde

Le placenta naît généralement dans l’heure suivant la naissance. Il arrive que le processus prenne plus de temps mais les sages-femmes et les médecins auront déjà conseillé et/ou posé quelques actes doux en prévention d’une éventuelle hémorragie. Ainsi, ils proposeront de changer de position: passer d’allongée sur le côté à accroupie, se mettre debout ou vider la vessie. Question d’utiliser la gravité pour permettre au placenta de sortir spontanément.
Une autre option précieuse est de favoriser la production d’ocytocine naturelle. Pour cela, il suffit de veiller au confort de la jeune maman en lui offrant chaleur et repos, en évitant tout stress. Ainsi, outre le peau-à-peau déjà mentionné, la mise au sein, la présence aimante d’un.e partenaire permettent aussi aux hormones de couler à flots.

Si la sage-femme constate des pertes de sang plus abondantes, elle va palper l’utérus, à hauteur du nombril afin de s’assurer de sa consistance. Un utérus qui contracte suffisamment bien est dur, or il faut une bonne activité utérine pour faire naître le placenta et éviter l’hémorragie. Une contractilité trop faible est en effet la cause principale des hémorragies post accouchement, même si une déchirure du périnée ou du col de l’utérus, ou un problème de coagulation peuvent également être à l’origine des saignements pathologiques.

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S’il y a diverses causes à l’activité réduite de l’utérus après la naissance du bébé, nous n’en aborderons que deux ici:

  • L’utérus contracte moins bien lorsque le flux d’hormones est interrompu ou perturbé pendant ou après la naissance, comme par exemple en cas d’administration d’ocytocine de synthèse pendant le travail (pour l’accélérer entre autres). Du coup, l’ocytocine naturelle (endogène) ne fait plus effet de la même façon. L’adrénaline liée au stress peut également inhiber le flux d’ocytocine endogène.
  • Un problème mécanique peut surgir, empêchant l’utérus de contracter: une vessie pleine qui encombre le passage, un morceau de placenta ou un caillot de sang resté dans l’utérus.

La plupart des hémorragies surviennent après la délivrance. Mais il arrive parfois que des pertes de sang abondantes apparaissent alors que le placenta est encore dans l’utérus ou encore après une césarienne

Quand intervient-on pour la délivrance?

Les soignants interviennent lorsque le placenta n’est toujours pas sorti une heure après la naissance, ou en cas d’hémorragie avant la délivrance. C’est ce qu’on appelle une “gestion active de la troisième phase”.

“Syntocinon fonctionne différemment de l’ocytocine naturelle, endogène, car elle est diffusée dans le système sanguin de manière constante et non par vagues.”

Dans ce cas, la sage-femme ou le médecin administre du Syntocinon, c’est-à-dire de l’ocytocine de synthèse. On l’utilise principalement pour induire l’accouchement, accélérer le travail et/ou faciliter la délivrance. Cette substance synthétique fonctionne différemment de l’ocytocine naturelle, endogène, car elle est diffusée dans le système sanguin de manière constante et non par vagues.
Utilisé pour gérer de façon active la délivrance, le Syntocinon tente d’imiter la physiologie décrite plus haut pour aider l’utérus à se contracter. On l’administre généralement par voie intramusculaire après la naissance. Le cordon est ensuite coupé et le placenta extrait en y tirant de manière contrôlée.

Clampage et taille du placenta

On connaît déjà beaucoup mieux les risques d’un clampage rapide du cordon. Il est d’ailleurs fortement recommandé de postposer le clampage jusqu’à ce que le cordon cesse de battre afin que le bébé reçoive tout le sang qui lui est destiné. C’est la raison pour laquelle la plupart des sages-femmes attendent un peu avant de couper le cordon. Les études montrent en outre qu’il n’y a pas de différence en administrant du Syntocinon avant ou après la délivrance, ce qui fait qu’on peut attendre la fin des battements du cordon en toute sécurité.
Cynthia Bracke
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En cas de clampage précoce, une partie du sang du bébé est retenue dans le placenta. Par conséquent, celui-ci est plus grand et plus volumineux, et donc plus difficile à faire sortir.  Ce qui explique pourquoi bon nombre de sages-femmes et médecins laissent pendre le cordon non clampé pour drainer le placenta avant la délivrance.

La gestion active permet souvent (mais pas toujours) une délivrance plus rapide que la gestion physiologique ou l’attente. On comprend mieux pourquoi certains hôpitaux préfèrent intervenir souvent et rapidement dans cette phase de l’accouchement: plus le placenta naît rapidement, moins il y a de stress concernant une éventuelle hémorragie. A quoi s’ajoute le fait qu’en milieu hospitalier, les femmes risquent davantage d’être dérangées pendant le travail et l’accouchement, ce qui ne permet pas souvent une délivrance spontanée.

 

 

Il existe donc deux types de gestions de la délivrance en fonction du déroulement du travail et de la naissance:

Gestion expectante (après un accouchement physiologique)

Après l’accouchement, la femme est assise, soutenue, son bébé contre elle. La sage-femme veille au confort de tous les deux. Le cordon reste de préférence intact, au moins jusqu’à ce qu’il ait fini de battre. On évite de déranger la mère et l’enfant pendant cette période. Lorsque surviennent les tranchées, la femme peut adopter une autre position, en s’asseyant par exemple sur le tabouret d’accouchement, accompagner la poussée ou encore souffler dans sa main.

En l’absence de tranchées, et de pertes de sang, on peut attendre jusqu’à une heure.

Si des signes indiquent que le placenta ne se détache pas spontanément ou qu’une hémorragie survient, on passe à une gestion active.

Gestion active (après un accouchement non physiologique)

Le cordon est clampé de façon précoce, avant qu’il n’ait cessé de battre. On administre du Syntocinon quelques minutes après la naissance (et ce, jusqu’à trente minutes). Le placenta est extrait par traction contrôlée sur le cordon.

Une étude intéressante de Nove et al. (2012) a comparé le nombre d’hémorragies entre des accouchements planifiés à l’hôpital et planifiés à domicile. Il en ressortait que les femmes ayant prévu d’accoucher à la maison saignaient moins fréquemment, même lorsqu’elles devaient être transférées à l’hôpital pendant le travail ou après la naissance. Les auteurs en ont conclu qu’il fallait informer les femmes de ce que les risques d’hémorragie étaient supérieurs en cas d’accouchement prévu en milieu hospitalier plutôt qu’à la maison. Et d’ajouter qu’il fallait chercher à comprendre pourquoi les accouchements hospitaliers étaient associés à un risque accru d’hémorragie. Il serait intéressant à ce sujet de se pencher sur l’impact des protocoles hospitaliers relatifs au clampage du cordon, à l’administration de Syntocinon pendant le travail et à l’encadrement en salle de naissance.

Caromama
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Conclusion

L’élément principal qui permettra une délivrance sécure, efficace et physiologique du placenta est de permettre une naissance physiologique du bébé. Pour cela, il faut faire en sorte que la maman puisse produire sa propre ocytocine en veillant aux éléments suivants:
  • un accouchement physiologique : ne pas intervenir dans le processus par exemple par une induction, une anesthésie péridurale, des médicaments, des instructions ou des complications;
  • un environnement favorable à la production d’ocytocine: intimité, lumière tamisée, chaleur et confort. Certaines femmes sont parfaitement capables de mettre au monde leur placenta au milieu du chaos et du bruit de leurs enfants. Probablement parce qu’il s’agit de leur chaos familier au cœur duquel elles peuvent se détendre sans souci;
  • peau-à-peau non perturbé: personne d’autre ne touche le bébé et pas de bavardages intempestifs avec la maman. Les interactions mère-bébé favorisent certes le lancement de l’allaitement, mais il ne faut pas “forcer” le bébé à trouver le sein;
  • pas de gestes inutiles: ne pas palper l’utérus, ne pas clamper ou couper précocément le cordon, ne pas y tirer; pas d’observations cliniques ou autres activités inutiles dans la pièce;
  • pas de stress ou angoisse: créer une ambiance détendue dans la pièce, une sage-femme à l’aise et paisible, une maman détendue, sans stress car l’adrénaline inhibe l’ocytocine. C’est ce qui explique pourquoi les hémorragies surviennent souvent après un accouchement compliqué (par ex. une dystocie d’épaule) ou lorsque le bébé doit être réanimé;
  • pas de pression du temps: bon nombre d’hôpitaux appliquent des protocoles plus sévères que les directives existantes, entre autres en exigeant que la délivrance ait lieu dans la demi-heure. C’est inutile et source d’inquiétude.
Une gestion active de la délivrance réduit les risques d’hémorragie lorsque la physiologie n’est pas soutenue et que les interventions de routine sont la norme

Sources

– Reed, R. (2018), Why induction matters

– Reed, R. (2015) ‘An actively managed placental birth might be the best option for most women’ 

– Wickham, S. (2018) Birthing your placenta