Pourquoi n’écoutons-nous pas toutes ces femmes qui ont vécu un accouchement traumatique?

Dr. Yvonne Kuipers

Selon Yvonne Kuipers, professeure d’obstétrique, les soins obstétricaux belges doivent accorder plus d’attention au vécu et au statut de la femme enceinte. “De très nombreuses études internationales montrent que les soins obstétricaux donnent de meilleurs résultats lorsque les femmes se sentent reconnues et acceptées en tant qu’individu , avec non seulement un bébé en bonne santé, mais aussi une mère en bonne santé.

Même si elles vivent jusqu’à 100 ans, les femmes n’oublient jamais leur accouchement. “Cette expérience les marque pour le restant de leur vie”, explique Yvonne Kuipers, professeure de sage-femmerie. “Je dis toujours à mes étudiant.e.s : à chaque anniversaire de votre enfant – mon aîné aura 26 ans – vous repensez à l’accouchement. Et si, lors de cette naissance, le personnel soignant n’a pas été très gentil, vous y repenserez toujours autant, des années plus tard”. Dans le cadre d’un projet de recherche aux Pays-Bas, Mme Kuipers et ses collègues ont ainsi interrogé  sur leur accouchement des femmes âgées vivant en maison de retraite. “S’il y a bien une chose dont les femmes se souviennent avec précision, c’est de cet épisode. En tant que soignant.e pendant un accouchement, vous marquez les gens pour la vie, en le faisant basculer d’un instant à l’autre en un événement catastrophique ou extraordinaire.”
Il est grand temps que tou.te.s celleux qui travaillent dans le domaine des soins à la naissance en prennent conscience, estime Mme Kuipers. Coordinatrice de la recherche à l’AP Hogeschool à Anvers, elle est également professeure de sage-femmerie aux universités d’Anvers et d’Édimbourg, spécialisée dans ce que l’on appelle au niveau international les “soins centrés sur la femme”. “En Belgique, le dogme, c’est avant tout un enfant en bonne santé et tout le reste, c’est secondaire”, explique Y. Kuipers. Cette croyance lui pose problèmes à deux niveaux. Premièrement, la femme enceinte est complètement négligée, ce qui peut conduire à un traumatisme pour les mères contraintes de passer leur vécu sous silence. Deuxièmement, l’approche actuelle ne permet pas d’obtenir les meilleurs résultats en matière de soins, comme le montrent les recherches internationales.

Vous êtes spécialisée dans les “soins centrés sur la femme”. Qu’est-ce que c’est exactement et pourquoi est-ce si important ?

“Soins centrés sur la femme”, c’est le terme utilisé par les sages-femmes pour désigner ce que nous appelons, dans le domaine des soins de santé généraux, les “soins centrés sur la personne”. Il s’agit d’un concept développé dans les années 1980 en Océanie et dans le monde anglo-saxon.

Dans nos projets de recherche, nous nous concentrons sur la relation entre la femme enceinte et le prestataire de soins. La recherche internationale montre en effet que c’est là que réside le cœur de l’amélioration des soins à la naissance. Les soins centrés sur la femme sont une approche des soins qui s’articule autour de deux principes : d’une part, l’élaboration d’une relation de qualité entre la sage-femme et la femme enceinte et d’autre part, la conviction qu’un enfant en bonne santé est tout aussi important que la façon dont la mère de cet enfant se sent”.

‘L’accouchement est le pire moment pour demander à une femme enceinte de poser un choix éclairé.”

Comment imaginer exactement cette relation entre la sage-femme et la femme enceinte ?

“En tant que femme, vous consultez un prestataire de soins de santé ou une sage-femme parce que vous avez besoin de bénéficier de ce que vous ne pouvez pas faire vous-même : des soins professionnels. Mais en tant que soignant.e, vous ne pouvez pas offrir des soins professionnels si vous ne disposez pas des bonnes informations sur cette femme et si vous n’avez pas le même objectif qu’elle. Les “soins centrés sur la femme” commencent donc par reconnaître que vous avez besoin l’un.e de l’autre. Vous entrez dans une relation de réciprocité et vous vous demandez au début de ce processus : comment pouvons-nous travailler ensemble? Qu’est-ce qui est important pour chacun.e d’entre nous ?

Pour que cette relation entre la femme et la sage-femme fonctionne bien, il faut s’harmoniser à trois niveaux différents, comme je l’ai découvert au cours de mes recherches: qui suis-je, que veux-je et qu’est-ce qui est important pour moi ? Vous devez synchroniser ces points de départ pour vous faire mutuellement confiance. Si vos visions respectives des soins de santé ne correspondent pas, c’est la porte ouverte à tous les problèmes. Si une femme enceinte vous dit “je veux toutes les interventions possibles pendant l’accouchement pour être satisfaite”, en tant que prestataire de soins de santé, vous devez la soutenir cette demande. Si à votre avis, elle ferait mieux d’accoucher à la maison, vous n’irez pas très loin.

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Dans ce modèle de soins, en tant que prestataire de soins, vous vous demandez : qu’est-ce qui est important pour cette personne et est-ce que je veux y contribuer ? Il n’est pas nécessaire d’être d’accord sur tout, mais il est important que chacun.e puisse déposer ses souhaits de départ et que chacun.e respecte et accepte le point de vue de l’autre. L’accouchement, c’est le pire moment pour demander à une femme de poser un choix éclairé. En cas de complications pendant le travail, elle dépend de l’expertise et des décisions de sa sage-femme. Si une femme fait confiance à son prestataire de soins, qu’elle connaît les valeurs de cette personne, elle peut garder un souvenir positif de son accouchement, même s’il s’est déroulé très différemment de ce qu’elle aurait souhaité”.

‘Seules 53% des femmes flamandes ont une expérience satisfaisante à très positive de leur accouchement. Ce qui implique que près de la moitié n’a pas eu de vécu positif.’

En quoi cette approche diffère-t-elle des soins de santé actuels en Belgique ? Les femmes enceintes et leurs partenaires peuvent déjà consigner leurs souhaits dans un projet de naissance, n’est-ce pas ?

“C’est une possibilité. Mais à l’hôpital, on n’a pas toujours ni le temps ni la disponibilité pendant l’accouchement, sans compter qu’il faut aussi trouver une sage-femme et un gynécologue qui vous soutiennent dans votre projet.

Un autre problème est que les femmes flamandes ont généralement du mal à s’exprimer clairement. Et elles culpabilisent rapidement en cas de difficultés ou si l’accouchement se déroule différemment de ce qu’elles auraient souhaité. En fait, je pense que les femmes du monde entier sont enclines à réagir de la sorte, mais c’est encore plus vrai pour les femmes flamandes. C’est un handicap, surtout dans le domaine de l’accouchement, qui est un système hiérarchisé.

Néanmoins, les Flamandes savent ce qu’elles veulent pendant leur grossesse. Ces recherches n’ont pas encore été publiées, mais je peux déjà vous dire que leurs souhaits sont bien différents d’une pratique dominée par les examens médicaux (Van Leugenhaege L, Degraeve J, Jacquemyn Y, Mestdagh E, Kuipers Y. Factors associated with the intention of pregnant women to giving birth with epidural analgesia: a cross-sectional study). De nombreuses femmes enceintes ne veulent pas du tout d’un accouchement médicalisé avec péridurale sous la conduite d’un gynécologue. Pourtant, c’est l’argument systématiquement avancé dans le débat sur les soins de naissance en Belgique, alors que c’est un non-sens. Quatre-vingt-dix  pour cent des femmes enceintes finissent par avoir une péridurale, alors que seulement 35 % d’entre elles déclarent l’avoir souhaitée. C’est la norme sociétale. Et c’est différent d’un désir intrinsèque.

On avance certes une foule d’arguments dans ce débat, mais en réalité, cela fait à peine dix ans qu’on demande leur avis aux femmes. Or, à leurs yeux, le résultat de l’accouchement est tout aussi important que leur vécu. Dans le système actuel, les femmes se sentent coupables lorsque les choses ne se passent pas comme elles le souhaitent. Ainsi, seules 53 % des femmes flamandes ont un vécu assez ou très positif de l’accouchement. Cela signifie que près de la moitié d’entre elles ne portent pas un regard positif sur leur expérience. Une femme sur six a connu un accouchement traumatique. Pas moins de 64 % d’entre elles ne se sentent pas bien au niveau émotionnel et ce, jusqu’à un an après l’accouchement ; un chiffre qui nous a beaucoup choqué.e.s lors de nos recherches, qui seront publiées dans le courant de l’année. Les Flamandes n’ont jamais eu l’espace pour réfléchir à ce qui compte vraiment pour elles, à ce qu’elles veulent pendant leur grossesse et leur accouchement. Pourtant, elles nous ont fait savoir qu’elles veulent prendre des décisions importantes en concertation avec leur prestataire de soins de santé, pas simplement être suivies sur le plan médical. Elles participent plus que volontiers à nos études sur les accouchements par sages-femmes et aimeraient avoir plus de choix, ce qui reste très compliqué dans un système et une culture qui n’offrent pas cet espace.

Et puis lorsque vous subissez un traumatisme pendant l’accouchement, tout le monde vous dit: vous avez un enfant en bonne santé, de quoi vous plaignez-vous ? Alors non seulement, vous n’avez pas eu la possibilité d’établir une véritable relation avec votre prestataire de soins de santé et de faire des choix éclairés. Mais en plus, cette société ne fait pas de place à votre traumatisme. C’est la société dans son ensemble qui en est responsable”.

‘Ce sont les intérêts de la femme en travail qui priment et elle est la seule à pouvoir en définir le cadre’

Les femmes enceintes peuvent-elles juger par elles-mêmes de ce qui constitue un choix sûr ? Y a-t-il un risque que leurs souhaits mettent en danger leur propre enfant, peut-être involontairement ?

“L’argument de la sécurité est utilisé comme un véritable sophisme en Belgique. La pensée orientée risque est très puissante dans ce pays. Les preuves sont nombreuses au niveau international: une femme en bonne santé peut tout à fait accoucher à domicile si le système de soins de santé est organisé en conséquence. Mais c’est là que réside le problème, car le système belge ne veut pas faciliter cette option. Cela ne fonctionne que dans les endroits où des sages-femmes indépendantes savent comment l’organiser. En Flandre, il n’y a que cinq hôpitaux qui permettent aux sages-femmes d’accompagner les accouchements. Les autres refusent sous prétexte de sécurité. En réalité, ce n’est que du vent, la littérature internationale le prouve.
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Lorsqu’on veut accoucher à la maison en Belgique, on doit se justifier face à une société normative, les sages-femmes indépendantes le remarquent aussi. Ce qui est curieux, c’est que les gynécologues n’ont pas du tout à répondre du nombre de césariennes, de péridurales et d’interventions inutiles. Et puis, l’accouchement à domicile n’est pas l’objectif en soi, n’est-ce pas ? C’est un moyen parmi d’autres, et ce devrait être un choix. Si une femme dit : “Je me sens en sécurité à l’hôpital”, qu’elle aille à l’hôpital. Mais alors l’hôpital doit laisser cette femme entrer avec sa sage-femme. Ce sont les intérêts de la femme qui accouche qui doivent primer, et c’est elle la seule à en définir le cadre.”

Il semble assez compliqué pour les sages-femmes et les autres prestataires de soins de santé d’accompagner ce processus.

La beauté des soins centrés sur la femme réside dans le fait que les prestataires de soins de santé ont également un choix à faire. Ils peuvent dire : ce que vous voulez pour l’accouchement, je ne peux pas vous l’offrir. Une sage-femme m’a parlé d’une cliente dont le bébé se présentait par le siège. Cette femme lui a dit : “Je veux quand même accoucher à la maison avec vous”. Chez cette sage-femme, tous les signaux d’alerte se sont allumés, mais elle a choisi d’entamer la conversation sur le plan relationnel. Elle lui a demandé : “Pourquoi pensez-vous qu’il est si important que je sois là ? Cette femme a répondu : “Je me sens en sécurité avec vous”. Ce à quoi la sage-femme a répondu : “Je me sens flattée, mais c’est de cette sécurité que j’aimerais parler. Je ne pense pas avoir la capacité, les connaissances et les compétences nécessaires pour réaliser cet accouchement à domicile. Je ne peux donc pas vous offrir la sécurité que vous recherchez”. À cela, la femme a répondu : “Quelle est la solution alors ?”. Sa sage-femme lui a suggéré de s’adresser à un gynécologue pour savoir si elle souhaitait accoucher avec lui, tout en lui promettant d’être présente lors de la naissance. Finalement, cette femme a accouché à l’hôpital et tout le monde était satisfait de cette solution. Mais si cette prestataire de soins s’était entêtée, elle aurait mis en péril la relation avec sa cliente.

Nos recherches montrent que de nombreuses sages-femmes indépendantes en Belgique travaillent déjà de cette manière. Cette approche nécessite des compétences au niveau de la réflexion et de la communication. Les sages-femmes qui y parviennent le mieux sont celles qui ont beaucoup d’expérience. Nous devons néanmoins accepter que tous les prestataires de soins de santé ne veulent pas ou ne peuvent pas travailler de la sorte, et que toutes les femmes ne le souhaitent pas non plus.

Des soins centrés sur la femme sont-ils également possibles si vous n’êtes pas accompagnée par une sage-femme indépendante et que vous souhaitez “simplement” un accouchement à l’hôpital ?

“C’est possible, mais c’est beaucoup plus difficile. L’attitude, les compétences et le comportement du prestataire de soins sont essentiels : est-il ouvert à la relation ? Et son approche correspond-elle à ce que la femme enceinte attend ? Dans ce cas, les soins centrés sur la femme peuvent s’intégrer au sein de l’hôpital, à condition qu’il y ait de l’espace et de la continuité pour établir une relation avec la femme enceinte. Il vaut d’ailleurs mieux commencer à mettre en place la relation pendant la grossesse, parce qu’on a la possibilité d’aborder en profondeur les sujets importants. Du coup, lorsqu’on doit prendre des décisions pendant l’accouchement, c’est précieux de savoir à l’avance ce à quoi la femme attache de l’importance.

Nous avons interrogé plus de 1.000 femmes sur leur expérience avec des sages-femmes indépendantes, des sages-femmes hospitalières et des gynécologues. Ce sont les sages-femmes indépendantes qui ont obtenu les meilleurs résultats dans tous les domaines : avant, pendant et après l’accouchement. Les sages-femmes hospitalières n’ont pas obtenu d’aussi bons résultats. Elles font du travail posté, de sorte qu’une femme en travail voit défiler de nombreux visages différents, souvent peu familiers. Et si les sages-femmes hospitalières sont très douées pour établir très vite un climat de confiance – c’est vraiment l’art d’être sage-femme – on constate ici que le système joue en leur défaveur.

Dans un monde idéal, on verrait la femme plusieurs fois pendant la grossesse, on la rejoindrait pendant le travail et on la reverrait ensuite après l’accouchement. Mais le monde idéal n’existe pas, surtout pas en Belgique. Mon conseil aux prestataires de soins de santé est donc le suivant : profitez de tous les moments pour construire cette relation, même s’ils sont fragmentés. Parfois, construire cette relation passe par de petites choses : demander si l’on peut toucher quelqu’un, demander si l’on peut faire un examen en particulier, bref, demander la permission pour tout ce que l’on fait. Même au cours de ce court moment qu’est l’accouchement.

Les sages-femmes doivent également se demander : est-ce que je propose des choix aux gens? Et est-ce que j’en suis capable ? Si ce n’est pas le cas, vous pouvez au moins être honnête vis-à-vis de la femme et lui donner la possibilité de changer de soignant.e. Ou alors, en tant que sage-femme, vous pouvez décider de vous ranger aux côtés de cette femme et de faire en sorte que ses choix puissent se concrétiser.

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Que faudra-t-il pour que les soins obstétricaux en Belgique soient davantage “centrés sur la femme” ?

“En Belgique, les soins obstétricaux sont extrêmement hiérarchisés et de nombreux intérêts, tels que l’industrie médicale et pharmaceutique, jouent un rôle décisif en sous-main. Il s’agit d’un problème sociétal de la même ampleur que celui du tabagisme et du lobby du tabac. Les politiques devraient être moins influencées par tous ces intérêts et au contraire, donner la priorité aux intérêts des femmes enceintes et de la prochaine génération. Le système actuel engendre d’énormes coûts sociaux cachés du fait qu’il est la cause d’expériences traumatisantes lors de l’accouchement, avec un coût important en termes de qualité de vie pour les enfants et les familles et, au bout du compte, aussi en termes financier pour la société dans son ensemble.

En Flandre, le terrain des soins de naissance est occupé par les gynécologues, qui ont un comportement très territorial. Alors que ce devrait être le pouvoir aux preuves : la recherche internationale dans les pays occidentaux avec des populations similaires de femmes enceintes montre que nous pouvons faire mieux que ce qui se fait aujourd’hui en Belgique. Une réflexion moins axée sur le risque, la confiance dans et la continuité des soins prodigués par les sages-femmes permettent d’obtenir de meilleurs résultats. Les gynécologues doivent accepter les résultats de ces recherches et par conséquent, considérer les sages-femmes comme des interlocutrices à niveau égal. Les gynécologues sont formés pour suivre des grossesses et des accouchements qui nécessitent des soins médicaux. La sage-femme accompagne la femme enceinte en bonne santé qui peut accoucher par voie vaginale et, en cas de problème, elle fait appel au gynécologue.

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Mais vous pouvez bien imaginer ce qui se passerait si les sages-femmes jouaient un rôle plus important dans l’accompagnement des grossesses et si le système soutenait la relation entre la sage-femme et la femme : les hôpitaux et les médecins perdraient du terrain, et donc de l’argent. Les gynécologues et les hôpitaux gagnent de l’argent sur chaque intervention et ne doivent pas en rendre compte. C’est pour le moins curieux.

Pourtant, les sages-femmes gagnent du terrain. La réduction de la durée d’hospitalisation après l’accouchement et le développement des soins postnatals à domicile ont favorisé l’essor des sages-femmes indépendantes. La décision de renvoyer plus tôt à la maison les femmes qui viennent d’accoucher a été prise pour des raisons économiques : les lits d’hôpitaux coûtent cher, les sages-femmes travaillent bien et à bon marché – leurs tarifs sont vraiment ridicules. Mais ce que l’on a oublié, c’est que lorsque les sages-femmes commencent à assurer le suivi et que les femmes apprennent à les connaître, elles s’aperçoivent que ces soins répondent à leurs besoins. Les sages-femmes indépendantes créent ainsi leur propre travail. Lors de la grossesse suivante, de nombreuses femmes se disent : “Je peux aussi être accompagnée de cette manière et avoir une bonne expérience de l’accouchement en plus d’un enfant en bonne santé”. En Belgique, les femmes toujours pu opter pour sage-femme indépendante, mais c’était encore assez confidentiel comme choix”.

Êtes-vous optimiste ou pessimiste quant à l’évolution des soins de naissance ?

“Les choses bougent en Belgique, mais les résistances sont fortes par ailleurs. Pourtant, c’est dans l’intérêt de la femme enceinte en bonne santé d’accoucher par voie basse avec le moins d’interventions possible – si c’est ce qu’elle souhaite. Les gynécologues le savent aussi et chacun doit y mettre le meilleur de soi pour réaliser cet objectif. Si ce n’est pas votre ambition, vous avez choisi la mauvaise profession. Il n’est pas acceptable, d’un point de vue éthique, de faire des compromis sur la qualité des soins pour défendre son pré carré.

Cette lutte d’intérêts fait qu’il est presque impossible pour les femmes et les sages-femmes d’obtenir ces soins. Malgré tout, je garde espoir. Les Flamandes ne sont pas du genre à monter sur les barricades, par nature. Par conséquent, les voir se mobiliser malgré tout aujourd’hui, comme par exemple avec la plateforme Birth Matters, c’est significatif. Les sages-femmes belges se font de plus en plus entendre et partagent leurs expériences. J’espère qu’elles continueront à le faire afin que de plus en plus de gens comprennent qu’il existe de meilleures alternatives aux soins actuels.

Le débat doit être sociétal : il n’est pas acceptable qu’une femme se sente mal suite à l’arrivée de son enfant en raison précisément de la façon dont il est venu au monde.

Au Royaume-Uni, vous pouvez déjà voir ce qui se passe lorsqu’on ne répond pas aux questions et besoins des femmes enceintes. Un nombre croissant de femmes ayant un facteur de risque médical se positionnent : “si vous ne prenez pas mes souhaits au sérieux et si vous ne réfléchissez pas avec moi, j’accoucherai seule à la maison sans l’aide d’un professionnel de la santé”. C’est ce que nous devons éviter à tout prix. Si le système de soins autour de la naissance crée ce genre de barrières, quelles en seront les conséquences? C’est cette question que nous devons nous poser en Belgique.

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Yvonne Kuipers

BIO –

Professeure de sage-femmerie à l’Université d’Anvers depuis 2019, le Dr Yvonne Kuipers est également chercheuse postdoctorale et coordinatrice de recherche à l’AP Hogeschool d’Anvers depuis 2016. Depuis 2021, elle est professeure de sage-femmerie à l’Université d’Édimbourg. Mme Kuipers a étudié les soins infirmiers et l’obstétrique et a travaillé comme sage-femme pendant plus de 20 ans. Elle a obtenu un master en “Pédagogie des soins de santé”. En 2016, elle a soutenu sa thèse de doctorat sur la “détresse émotionnelle” pendant la grossesse à l’université de Maastricht.