Témoignage de Sara Derisbourg, gynécologue aux Cliniques Universitaires Erasme, responsable de la Clinique du Siège. Recueilli par Aline Schoentjes.
Aujourd’hui, l’on estime que 3-4% des bébés se présentent en siège au moment de la naissance. De tout temps, des bébés sont nés par les fesses plutôt que la tête la première. Et longtemps, une naissance par voie vaginale était la seule façon de sauver la mère et l’enfant. Pourtant depuis 2001, toute la pratique des accouchements en siège a basculé en faveur de la césarienne programmée, parfois (souvent?) au détriment des femmes, des bébés et des praticien.ne.s. Heureusement aujourd’hui, des médecins et des sages-femmes de par le monde, et en Belgique, s’engagent pour que les femmes et les couples puissent faire un choix éclairé et vivre une expérience à la fois sécure et satisfaisante de leur accouchement.
Le contexte
Le basculement vers l’hypermédicalisation

Quelques années plus tard, un groupe d’obstétriciens belges et français, parmi d’autres, publiait une nouvelle étude contradictoire sur près de huit mille naissances. Ils avaient effectué la même étude mais cette fois, les critères de sélection étaient plus stricts tout comme les protocoles pendant la naissance et surtout, les femmes pouvaient choisir si elles optaient pour un accouchement vaginal ou par césarienne – un facteur crucial. Résultat : il n’y avait pas plus de complications sévères dans les deux groupes, et l’accouchement en siège restait un option sécure. Évidemment, malgré ses grandes qualités, cette étude n’a pas eu le même retentissement et en Belgique, comme ailleurs, le taux de césarienne a continué à grimper. Avec pour corollaire que les compétences techniques des obstétricien.ne.s ont commencé à se perdre car les jeunes générations n’étaient plus formées à accompagner ce genre de naissance.
Un vent de renouveau
Depuis plusieurs années, les choses commencent à changer. Ainsi, aux Cliniques Universitaires Erasme, une équipe de gynécologues obstétriciens a ouvert une Clinique du siège. Il s’agit d’un trajet de soin dans lequel on retrouve bien sûr des gynécologues mais aussi des sages-femmes pour accompagner les femmes et les couples à poser un choix éclairé pour leur projet de naissance.
Quand bébé se met en siège
Pourquoi les bébés se mettent-ils fesses vers le bas?
Bébé en siège? On se détend!
Lorsqu’on constate que le bébé est tête en haut à la troisième échographie (soit vers 32 semaines d’aménorrhée), pas besoin de s’affoler. Trois quarts d’entre eux vont se retourner spontanément avant la naissance. Parfois avec un petit coup de pouce. Une séance d’ostéopathie vers 34 à 36 semaines ne peut pas faire de mal, même si cela n’a pas été réellement démontré. Par contre, une session d’acupuncture vers 36 à 37 semaines semble porter ses fruits. Bref, on peut attendre patiemment, et avec confiance, jusqu’à l’échographie de contrôle qui aura lieu vers 35 ou 36 semaines.
Si bébé reste fesses en bas?

La version, késako?
La réussite de la version va dépendre de plusieurs éléments : l’engagement des fesses du bébé dans le bassin, la position de son dos, le placenta et la quantité de liquide amniotique.
Les contre-indications
La version ne sera pas proposée si le placenta est sur ou trop près du col de l’utérus (placenta praevia), s’il y a d’autres indications de césarienne, dans certains cas de malformations utérines, si le bébé ne grandit pas assez (retard de croissance intra-utérin) ou si le cordon est autour du cou mais ce dernier élément est extrêmement difficile à dépister.
Et après?
Bébé s’est retourné? C’est ce qui se passe dans 50 à 60% des cas. Alors, on fait un dernier monitoring, mais pas de contrôle échographique systématique. Parce qu’il est important de faire confiance aux sensations de la maman. C’est une façon pour elle aussi de mieux se connaître et devenir actrice du processus.
Bébé ne peut pas se retourner?
L’équipe d’Erasme ne propose pas une deuxième version sauf si la maman était fort tendue pour la première tentative et/ou qu’elle est fort demandeuse. Si la maman souhaite poursuivre son projet d’accouchement par voie basse, elle passe en service de radiologie pour une radio de son bassin. Dr. Derisbourg nuance l’utilité de la radio-pelvimétrie, que peu d’études ont réellement démontrée. Mais comme il est important que les professionnel.le.s aussi se sentent en sécurité avec des données rassurantes, cet examen fait partie intégrante du trajet de soins. Lorsque les mesures sont sub-optimales, l’équipe les remet dans un contexte plus large en tenant compte du poids estimé du bébé, de la taille de sa tête, etc. Dr. Sara Derisbourg insiste sur la nécessité d’une vision globale de la situation: l’engagement et la confiance de la maman, les mesures de son bassin, la taille de son bébé. Et de se permettre une tentative tout en restant vigilant. Car la vie reste parfois un mystère.
Se préparer à une naissance en siège par voie basse
Sara Derisbourg évoque aussi l’entourage. Le soutien apporté au couple par la famille et les amis joue aussi un rôle important dans la confiance et l’engagement des parents. Elle insiste dès lors pour que le couple et la mère s’entourent de personnes bienveillantes et soutenantes.
Quand le travail commence
Un des éléments importants est le mode du siège.
On distingue trois types de bébés en siège:
– complet,
– mode des pieds et
– décomplété.
C’est ce dernier avec lequel les professionnel.le.s sont le plus à l’aise car les fesses vont bien solliciter le col de l’utérus.

Le siège complet peut se faire lorsque là aussi, les fesses du bébé appuient bien sur le col et favorisent la dilatation. Le mode des pieds est moins fréquent à terme et pourrait indiquer plus souvent une césarienne.
Pendant le travail, on ne va pas non plus faire trop de touchers vaginaux pour ne pas stimuler inutilement le bébé.
Pour ce qui est des positions de travail, les mamans sont encouragées à rester le plus mobile possible et c’est pour cela, entre autres, que la péridurale n’est pas imposée. Dr Derisbourg explique cette décision peu commune : rien ne justifie une péridurale d’emblée car même s’il y a un peu plus de risques de procidence du cordon, les risques d’extrême urgence ne sont pas extrêmement plus nombreux que dans un accouchement par voie basse normal. Et comme les critères de transfert en césarienne sont un peu plus sévères, il y a le temps de poser calmement une péridurale en salle d’opération au besoin dans la majorité des cas. Là encore, une information éclairée est donnée au couple.


Épisiotomie ou pas?
Plus ou moins douloureux?
Les mamans qui ont vécu les deux modes d’accouchement vaginal, siège et sommet, rapportent souvent que la naissance en siège était plus confortable, sauf quand le bébé était en tailleur.
Quand passer à la césarienne
Le rythme cardiaque du bébé, c’est-à-dire le témoin de sa santé, est un autre facteur essentiel qui va pousser l’équipe à passer en césarienne. Si le bébé donne des signes de faiblesse, il est inutile de le pousser dans ses réserves pour accoucher à tout prix par voie basse. L’essentiel reste que maman et bébé restent en bonne santé au bout d’une naissance respectueuse.
Le manque de fluidité dans la dilatation, qu’on appelle dyscinésie, est un autre facteur qui fait prendre la décision d’une césarienne. On peut certes intervenir un tout petit peu, par exemple si le bébé est bien fixé dans le bassin en ouvrant la poche des eaux ou en administration de l’ocytocine de synthèse. Ainsi, avant 6 ou 7 cm de dilatation, Dre Derisbourg confirme qu’on peut se donner du temps mais qu’au-delà, on sera plus “sévère” pour la simple et bonne raison que la maman et le bébé doivent conserver toute son énergie pour la poussée et ne pas s’épuiser dans un travail trop long.
La césarienne sera aussi au programme si la poussée “active” dépasse une heure, certainement pour un premier bébé. Tout en laissant un petit quart d’heure à la maman pour trouver le chemin de la poussée et comment guider son bébé vers l’extérieur.
L’équipe d’Erasme n’utilise jamais de ventouse, deux techniques peu recommandées pour les naissances en siège.

Et les bébés là-dedans?
Il est tout aussi normal que bébé reste jambes en l’air pendant quelques heures lorsqu’il est né en mode décomplété ou qu’une de ses jambes ou pieds soient gonflée et/ou bleue pour le mode complet ou des pieds.
Néanmoins, à long terme les études ne retrouvent pas de différence de développement que ce soit pour la naissance de siège par voie basse ou par césarienne.
En chiffres
Concrètement, parmi toutes les mamans dont le bébé se présente par le siège, 40% vont opter pour la césarienne et 60% vont planifier une naissance. Au bout du compte, 80% d’entre elles accouchent effectivement par voie basse. Une belle performance!
Des équipes pluridisciplinaires et “intergénérationnelles”
Historiquement, les sages-femmes étaient, elles aussi, habilitées à assurer la sécurité de ces naissances, comme en témoigne le manuel d’obstétrique de Justine Siegemund, une sage-femme allemande du XVIIe siècle. Aujourd’hui néanmoins, la loi belge confie la responsabilité d’un accouchement par le siège aux seuls gynécologues obstétriciens.
Dr Derisbourg insiste sur l’importance de la formation des obstétricien.ne.s et de la transmission des savoirs et compétences. Il est donc très sage d’offrir une information complète aux mamans et aux couples dont le bébé est en siège et de les référer d’office vers des centres expérimentés si elles choisissent un accouchement par voie basse. C’est l’expérience des référents médicaux qui pèse véritablement dans la balance. Pour cette raison, la Clinique d’Erasme a d’ailleurs organisé une garde spéciale “siège”, qui permet qu’il y ait toujours deux gynécologues présents lors de ces naissances, en plus d’un pédiatre. L’expérience et le savoir se transmettent ainsi des plus ancien.ne.s aux plus jeunes.
Conclusion
On ne peut que se réjouir de voir des professionnel.le.s de la naissance s’engager avec les parents dans un partenariat respectueux et stimulant. Cette approche permet d’une part aux les praticien.ne.s de (re)découvrir des compétences et d’autre part, aux couples d’apprendre leur “métier” de parents, adultes, responsables et autonomes. Bref, il est aujourd’hui possible de créer un cadre où toutes les parties s’enrichissent mutuellement et grandissent en intelligence.
Ressources
Pour les parents
– 2018-10-23_Mon bébé est en siège NL HD.indd (ulb.ac.be)
– http://breechbabiesclub.org/
– http://www.breechbirth.ca/Welcome.html
– https://thebirthhour.com/bonus3/
Pour les professionnels
– The OptiBreech Project – Optimising care and Options for women with a breech pregnancy at term