Vos copines enceintes vous en ont certainement déjà parlé, de ce fameux frottis. Ou alors c’est votre référent.e médical.e (sage-femme ou gynécologue) qui vous l’a proposé, ou imposé, en fin de grossesse. Petite revue sur ce qu’il dépiste, à quoi ça sert et des différentes approches possibles.

Cet article est basé sur une analyse de la littérature parue dans le numéro de janvier 2020 de la revue professionnelle du VBOV ainsi que sur le Travail de Fin d’Etude de Charlotte Gijsens dans le cadre de son European Master of Sciences in Midwifery
Illustrations by Isabelle Geeraerts

Une bactérie commensale ou pathogénique?

La plupart d’entre nous vivent en bonne entente avec leur colonie de streptocoques agalactiés du groupe B, surnommé GBS. On les retrouve principalement dans le système gastro-intestinal, l’urètre et le vagin. Pourtant, lorsqu’elles se multiplient trop chez la femme enceinte, elles risquent de provoquer des infections tant chez la mère que chez l’enfant.

Combien de femmes touchées? Quelle fiabilité

D’après les estimations, 10 à 30% des femmes sont colonisées au GBS pendant la grossesse, avec de grandes variations régionales de par le monde. Mais le statut au GBS peut bien sûr varier en cours de grossesse. Ainsi, on estime que 7 à 8% des femmes qui auront été testées négatives pendant la grossesse seront positives au moment de l’accouchement.

Quels risques pour qui et dans quelles proportions?

Une colonie de GBS trop importante risque de provoquer une infection soit chez la mère pendant la grossesse, soit chez le bébé après la naissance.

Pour la mère

Chez une femme enceinte, le GBS peut être la cause d’un bactériurie asymptomatique avec pour corollaire une infection urinaire ou une infection de la cavité amniotique (l’utérus, le placenta, etc.) et donc un risque fausse-couche, de naissance prématurée, de décès du bébé, de septicémie ou de décès de la mère. Une infection à GBS entraîne dans un quart des cas une fausse couche ou une mort intrautérine.

Après la naissance, ces bactéries sont susceptibles de provoquer une endométrite et une bactériémie.

Birth Rights // Stap 3

Pour le bébé

La colonisation trop importante au GBS demeure la cause la plus fréquente d’infection précoce chez les nouveau-nés, provoquant principalement des méningites (9,5%). En Europe occidentale, ce phénomène apparaît dans environ 0,04 à 0,4% des naissances vivantes.

C’est dans les premières vingt-quatre heures de vie du bébé qu’apparaissent 9 cas sur 10 des cas. On considère comme précoces les infections ayant lieu jusqu’à sept jours après la naissance. Passé ce stade, on parle d’infection tardive.

Sans traitement antibiotique pendant l’accouchement en cas de colonisation au GBS, environ un bébé sur deux d’une maman à GBS positif sera contaminé mais seulement 1 à 2% développera une infection précoce. Si on regarde les chiffres des décès parmi les bébés infectés, on se situe entre 0,05% et 0,1%. Quant aux séquelles neurologiques, elles concernent 0,3% à 0,6% des bébés infectés.

Les bébés les plus touchés sont nés avant 37 semaines (28%) et ont un très petit poids de naissance (< 1500 g) soit 15%. Le taux de décès est le plus élevé chez les bébés prématurés (19,2% des bébés prématurés contre 2,1% chez les bébés nés à terme).

Comment se fait la transmission?

Birth Rights // stap 2

La transmission de la mère à l’enfant se fait le plus souvent, juste avant l’accouchement, pendant le travail ou après la rupture de la poche des eaux, surtout en cas de colonie GBS importante.

Les bébés peuvent également entrer en contact avec des personnes porteuses de GBS et développer une infection tardive.

Quels sont les facteurs de risque?

Il existe une série de facteurs qui augmentent le risque d’infection chez la mère comme chez l’enfant.

  • L’âge de la maman (< 20 ans) semble jouer un rôle important mais sans autre explication à ce stade.
  • Un bébé précédent ayant déjà eu une infection à GBS semble être corrélé à un risque accru pour la grossesse en cours.
  • La colonisation de la maman au GBS.
  • La présence de la bactérie dans les urines pendant la grossesse est associée à une colonisation plus importante de la maman.
  • La naissance prématurée a pour corollaire une moins bonne immunité pour le bébé qui, en outre, n’a pas bénéficié autant des anticorps de sa maman.
  • De la fièvre pendant l’accouchement est un prédicteur important d’infection précoce du bébé.
  • Une poche des eaux rompue depuis plus de 18 h donne plus de temps aux bactéries pour remonter le long du canal vaginal jusqu’à l’utérus et au bébé.
  • Une chorioamniotite.
  • Certains facteurs liés à l’accouchement jouent également un rôle important: touchers vaginaux fréquents, monitoring foetal invasif (par ex. une électrode sur le crâne du bébé pour contrôler son rythme cardiaque); décollement des membranes, accélération médicamenteuse de la dilatation

Quelles stratégies de dépistage?

La Belgique, comme les USA, a opté pour un dépistage systématique pendant la grossesse. Celui-ci consiste à effectuer chez toutes les femmes entre 35 et 37 semaines d’aménorrhée un frottis au niveau du vagin et de l’anus et, en cas de résultat positif, d’administrer des antibiotiques en cours de travail. C’est ce qu’on appelle la stratégie de dépistage universel.

De plus, dans certaines situations, on utilise d’office des antibiotiques pendant le travail : un premier bébé qui a été infecté aux streptocoques B, une infection urinaire à GBS pendant la grossesse. Ce sera le cas également pour accouchement prématuré, une rupture prolongée de la poche des eaux de la fièvre pendant l’accouchement.

D’autres pays, comme les Pays-Bas ou la Grande-Bretagne, ont adopté la stratégie basée sur les facteurs de risque, c’est-à-dire qu’on n’utilise cette prophylaxie que dans certains cas bien spécifiques: un bébé précédent infecté au GBS, une bactériurie pendant la grossesse en cours, une naissance avant 37 semaines, plus de 18h de poche rompue et de la fièvre pendant le travail. Ils estiment en effet que le dépistage universel pendant la grossesse ne fait pas baisser le nombre d’infections précoces des bébés.

Selon certaines études, le dépistage universel permet de réduire le taux d’infection précoce à 0,3% en cas de colonisation à GBS. Ce taux s’élève à 0,8% (dépistage en cours de grossesse) ou 0,6% (dépistage en début d’accouchement) pour la stratégie “risque”.

Les conclusions sont loin d’être univoques. Ainsi, aux Pays-Bas, on a même enregistré moins d’infections précoces au GBS depuis l’adoption de cette stratégie (mais pas pour les infections tardives). En Australie, on n’a pas noté de différence significative en nombre d’infections précoces depuis l’introduction du dépistage universel. Alors qu’au contraire, les Etats-Unis ont ainsi réussi à faire baisser le taux d’infections précoces de 1,8/1000 naissances à 0,23/naissances en 25 ans, grâce à ce changement d’option. De même, une méta-analyse de 2017 révèle que les femmes testées positives sont nombreuses à recevoir un traitement antibiotique, plus le chiffre des infections précoces baisse (de 1,1% à 0,3%).

Birth Rights // Stap 12

Qu’est-ce que la prophylaxie intrapartale?

L’administration d’antibiotiques de manière préventive pendant l’accouchement doit permettre d’éviter que les bactéries GBS ne passent de la mère à l’enfant et donc de diminuer les infections précoces. Il faut de préférence entamer le traitement au moins quatre heures avant la naissance du bébé.

Isabelle Geeraerts

Antibiotiques et microbiotes

Un petit rappel s’impose. Notre microbiote intestinal intervient dans les processus métaboliques, nutritifs, immunitaires et physiologiques. Son équilibre a donc un impact sur notre santé de façon générale. Le microbiote du bébé évolue rapidement dans les heures et les semaines suivant sa naissance pour être fort semblable à celui de l’adulte dès ses trois ans. Les scientifiques semblent admettre qu’une altération précoce de ce microbiote aurait des conséquences à très long terme sur la personne adulte (obésité, allergies, atopie, inflammation chronique de l’intestin) sans pouvoir toutefois établir un lien de causalité.
Les études sur le microbiote des bébés ne sont pas toujours d’accord entre elles. Selon certaines, le microbiote de bébés dont la mère a reçu ou non un traitement antibiotique pendant l’accouchement présente des différences à l’âge de dix jours et de six semaines, mais qui disparaissent à l’âge de douze semaines. Par contre, en cas d’exposition prolongée aux antibiotiques pendant la naissance ou en cas de césarienne, les différences étaient encore notables à douze semaines. D’autres établissent que l’antibiothérapie en cas de naissance par voie basse est associée à un microbiote moins riche à trois mois, alors qu’une césarienne d’urgence montre une plus grande diversité du microbiote à un an. Quant à l’allaitement, il limite les effets négatifs de la prophylaxie sur le microbiote. Trois facteurs interviennent donc: l’administration d’antibiotiques (et la durée), le mode de naissance et l’allaitement. Bref, vu l’importance d’un microbiote de qualité, il est important de continuer à étudier l’influence des antibiotiques en cours de travail.

On a par ailleurs observé des conséquences à court terme chez les mères et les bébés. Les premières sont plus à risque de mycose liée à une modification de la flore vaginale. Quant aux seconds, on constate un risque accru de mycose, d’infections gram-négatives par antibio-résistances, une modification de la transmission de la flore maternelle, un risque accru de paralysie cérébrale chez les enfants prématurés et une épaisseur accrue de l’intima média de l’aorte, un marqueur précoce des maladies cardio-vasculaires.

Enfin, d’aucuns soulignent d’autres inconvénients liés à l’administration systématique d’antibiotiques pendant la naissance tels que le choc anaphylactique, un médicalisation accrue de l’accouchement et de la période postnatale, une contre-indication à l’accouchement à domicile, une infection potentielle avec des organismes antibiorésistants.

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Vaccination

Des recherches sont en cours pour une vaccination efficace contre le GBS. A ce stade, cette option ne remplace pas avantageusement le traitement antibiotique. Son objectif serait principalement de réduire les infections tardives, qui ne sont pas couvertes par l’antibiothérapie. Le rapport coût-bénéfices n’en semble pas encore satisfaisant (même si l’analyse ne prenait pas en considération le prix exorbitant d’une naissance prématurée ou d’un décès).

Conclusion

D’abord, les stratégies adoptées face au GBS ne semblent pas faire consensus. Ensuite, il n’y a pas assez d’études mesurant les avantages et inconvénients de la prophylaxie, que ce soit à court, moyen ou long terme (infections précoces et tardives, altération du micriobiote et ses effets). Enfin, la piste de la vaccination est intéressante pour prévenir les infections tardives.

Il est donc important pour les parents de poser des choix éclairés et prendre leurs décisions en connaissance de cause: se faire dépister ou non pendant la grossesse, opter ou non pour la prévention antibiotique et ce, en fonction de circonstances.

 

Sources

1. Micro-organisme qui est l’hôte habituel d’un organisme sans lui causer de dommage
2. Responsables du déclenchement et du développement d’une maladie
3. 
Présence de bactéries dans l’urine
4. 
Inflammation de l’endomètre (muqueuse utérine) provoquée par une infection
5. 
Présence éphémère de bactéries dans le sang
6. Une inflammation du chorion et de l’amnios (les deux membranes constituant la poche des eaux) due à une infection bactérienne. Comme l’amnios est en contact direct avec le liquide du foetus, l’infection peut se propager au bébé.
7. 
Ensemble de moyens médicaux mis en œuvre pour empêcher l’apparition, l’aggravation ou l’extension des maladies
8. 
Pendant l’accouchement
9. 
Ensemble des bactéries, virus et levures vivant dans un milieu déterminé. (Le microbiote intestinal de l’homme est composé d’environ 100 000 milliards de micro-organismes.)