Alice Van Dormael, sage-femme à Kigali, Rwanda
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A l’inverse de ce que l’imaginaire collectif véhicule souvent, une personne qui accouche de façon libre, c’est-à-dire sans aucune intervention extérieure, se mobilise généralement beaucoup. Elle marche, elle danse, elle se couche et se redresse… En deux mots, elle bouge. Pourtant, aujourd’hui, la plupart des femmes restent dans un lit pendant leur travail et leur accouchement, et ce du Nord au Sud et d’Est en Ouest (2). C’est au chirurgien français François Mauriceau que l’on doit la recommandation d’accoucher sur le dos, cela afin de faciliter l’exécution de diverses manœuvres obstétricales (3). Jusque-là, avant le XVIIème siècle, les femmes utilisaient la déambulation et les positions verticales afin de faciliter l’enfantement et de rendre le travail le plus efficace possible (5).

La meilleure position : celle choisie par la future maman

Mais avant d’exposer les bénéfices de la mobilité pendant le travail et de voir quelles sont les barrières à celle-ci, rappelons ce qui est fondamentalement important. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce n’est pas, selon moi, le mouvement en lui-même qui est essentiel, ni la position. Il n’existe d’ailleurs pas une unique position parfaite et universelle pour l’enfantement (2,3). Si la personne qui est en travail n’a pas envie de bouger parce que son corps lui dit que là, dans cette position, elle est bien, il est très important que cette immobilité soit respectée.

La clé du succès, c’est la liberté de mouvement car le corps sait.

Geboortehuis Inanna

Si la femme se sent bien dans une position plutôt qu’une autre, c’est que c’est la bonne à utiliser à ce moment-là du processus de la naissance. Il est absolument nécessaire, que ce soit d’un point de vue de la physiologie / biodynamique / biomécanique de la naissance, que d’un point de vue du respect de la personne et de ses droits fondamentaux, que la femme soit libre de se mouvoir tant qu’elle le souhaite, comme elle le souhaite et qu’elle se sente soutenue à le faire.

Plusieurs études ont en effet démontré des avantages à bouger, à changer de position, à se redresser pendant le travail et la naissance. Au cours de la première phase du travail, lorsque le col s’ouvre jusque 10 cm ou dilatation complète, les femmes qui utilisent des positions verticales (debout, assise, à genoux, accroupie) ou qui marchent diminueront la durée de cette première phase de travail de 1h20 comparativement aux femmes qui utilisent uniquement des positions allongées sur le dos ou sur le côté (2).

Le risque de naissance par césarienne, de nécessité de soins en néonatalogie ou encore de recours à l’analgésie péridurale sont aussi diminués pour les femmes qui déambulent ou utilisent des positions verticales (2).

Au cours de la deuxième phase, c’est-à-dire la période entre la dilatation complète et la naissance du bébé, les études (3) montrent qu’utiliser une position verticale diminue le risque de déchirure du 3ème et 4ème degré (les plus sévères), le risque d’instrumentation, et améliore le bien-être fœtal (moins d’anomalies du rythme cardiaque et un meilleur score d’Apgar à 1 minute de vie) (3). Une autre étude montre aussi une légère diminution de la durée de la poussée pour les femmes utilisant une position verticale, mais un risque accru d’hémorragie de la délivrance (4).

Marine Hardy
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Marine Hardy

D’ailleurs, l’Organisation Mondiale de la Santé stipule dans ses « Recommandations pour une expérience positives de l’accouchement » de laisser la personne qui accouche choisir sa position librement lors de la seconde phase du travail (1). Bien qu’il n’y ait pas, selon l’OMS, d’avantages clairement démontrés d’une position par rapport aux autres, les auteurs insistent sur le fait que la femme ne soit pas forcée à s’installer dans une position mais qu’elle soit encouragée et soutenue à utiliser la position qui lui est la plus confortable (1). Si, pour une raison médicale, une position doit être privilégiée, les auteurs rappellent que cette raison doit être explicitement communiquée aux parents. Ceci est valable que la femme ait opté ou non pour l’analgésie péridurale (1).

L’analgésie péridurale n’est pas un frein

Ce point est capital et il me semble judicieux de le redire en d’autres mots : même si vous avez une anesthésie péridurale, vous pouvez choisir votre position d’accouchement ! Si la péridurale est plus fortement dosée, vous ne serez peut-être pas en mesure de rester en position debout. Néanmoins, les positions allongées sur le côté, à genoux ou accroupie peuvent être tout à fait envisagées. Dans le cas d’une péridurale dite « ambulatoire » vous pourrez même vous mettre sur vos deux pieds.

Assurer la liberté de mouvement diminue donc significativement les complications et les interventions. En plus d’être démontré par ces études scientifiques, ces bénéfices sont observables chaque jour dans notre travail de sage-femme.

Eva Vens
Picture by Eva Vens

J’ai eu la chance de travailler dans deux pays tout à fait différents et d’accompagner des familles d’origine, de croyance et de statut social très divers. Les habitudes, les croyances, les protocoles que j’ai pu observer, suivre, construire ou déconstruire m’ont toujours amenée à cette même observation : plus la femme est libre, mieux ça se passe. Plus elle peut se mobiliser à sa guise, plus elle se sent soutenue et en sécurité pour laisser son instinct la guider dans ses mouvements, plus la descente du bébé et l’ouverture du col seront aisés.

Les femmes doivent se sentir libres de bouger, se sentir autorisées à la faire et non pas restreintes dans leur mouvement.

Le soutien continu par une sage-femme est alors un énorme bénéfice parce que celle-ci va suivre la femme et la soutenir.

Elle pourra à tout instant améliorer les conditions de l’environnement pour faciliter les mouvements et faire des propositions si la femme le demande. Une doula peut aussi assurer ce type de soutien. L’accompagnant.e peut elle/lui aussi être un.e précieux.se allié.e. Tout comme le fait d’avoir suivi des séances de préparation à la naissance pour comprendre, être convaincus de l’utilité de ces mouvements, et les avoir essayées.

Le progrès réside dans l’offre faite aux femmes, dans l’assurance d’un soutien et d’un respect indéfectibles leur permettant de se mobiliser ou de rester immobiles quand et comme elles le souhaitent.

5 trucs pour bouger plus librement lors de l’accouchement

  • Usez et abusez des séances de préparation à la naissance. Informez-vous sur les positions possibles et testez-les en amont avec votre partenaire.

  • Si vous optez pour une analgésie péridurale, parlez avec l’anesthésiste de votre désir de continuer à bouger. Vous pouvez en effet bénéficier d’une péridurale dite «ambulatoire».
     
  • Le jour J, si cela est envisageable, demandez un monitoring sans fil ou un monitoring intermittent (non continu). Si vous avez une perfusion, demandez à avoir un cathéter avec un bouchon si la perfusion n’est pas continue. Ou un moyen pour vous déplacer plus aisément, comme un pied à perfusion.

     

  • Si ceux-ci ne sont pas disponibles dans le lieu de naissance que vous avez choisi, apportez des objets facilitant la mobilisation et l’utilisation de diverses positions : ballon, écharpes pour se suspendre, oreillers…

  • Un soutien continu par un(e) professionnel(le) est un atout majeur. Pensez-y.