Il n’y a pas que le corps qui change beaucoup pendant et après la grossesse. La transformation est aussi émotionnelle. Pas de panique : c’est tout à fait normal.
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Ils existent vraiment, ces parents si heureux qu’ils planent sur leur nuage rose, si amoureux de leur petit ange. Mais il est bien plus fréquent que les jeunes parents trouvent ce nuage finalement pas si rose que ça. La joie se transforme parfois en chagrin ou en inquiétude, l’excitation en stress. Et pour vous, le nuage change-t-il aussi de couleur de temps à autre? C’est tout à fait normal.
Devenir parent bouleverse votre vie pour toujours, et de diverses façons imprévisibles. Entamer une nouvelle phase de vie, ce n’est pas que du plaisir. Et cela vaut aussi lorsqu’on devient parent. Il suffit d’y penser: un accouchement, de la douleur, l’allaitement, le manque de sommeil. Des inconforts qui rendent la vie peu confortable.
S’ajoute le cerveau de la maman qui change pendant et après la grossesse (après la naissance chez le papa aussi d’ailleurs. En effet, pendant la grossesse, la matière grise augmente en volume dans la zone liée à la cognition sociale, comme le révèlent les scanners cérébraux. On peut même voir la différence entre le cerveau des femmes avec ou sans enfant! Rien d’étonnant si vous vous sentez un peu plus anxieuse, un peu plus vulnérable. Je me souviens de ce sentiment lorsque je prenais le métro avec mon ventre rond ou que je marchais seule en rue le soir. Ça fait partie de ce mécanisme qui nous fait protéger nos enfants.
Nuages d’orage
Nombreuses sont les femmes (mais aussi les hommes) qui planent sur leur petit nuage rose pendant la grossesse mais qui perdent soudain cette légèreté après la naissance. Chez d’autres, ce sont des nuages d’orage qui surgissent sans crier gare: tout va très bien et puis soudain, on a envie de balancer le bébé par la fenêtre.
C’est rude, mais c’est vrai! Et ce constat peut s’accompagner d’un sentiment de culpabilité ou d’échec.
“Les parents pensent parfois : “je voulais un enfant et maintenant, je n’en veux plus (ou pas tout le temps)” ou “j’ai choisi d’avoir un enfant et donc je dois y trouver du plaisir en permanence””
On peut se sentir seul.e avec ce genre de pensées mais elles habitent bon nombre de parents. Mieux encore, la majorité des jeunes parents traversent des passes difficiles pendant la grossesse et pendant la première année de leur enfant.
Ce sentiment est souvent le signe d’une surcharge: avoir l’impression de ne plus exister en tant que personne mais uniquement comme soignant de son bébé. Mais avouons-le, personne ne peut s’occuper seul d’un bébé 24h sur 24, 7 jours sur 7. Nous sommes pas fait.e.s pour ça. Pour faire un bébé, il faut au moins deux personnes, pour l’élever, il faut une communauté entière. C’était ainsi avant, et ça n’a pas changé depuis.

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La grande différence réside dans notre société individualiste, où les filets de sécurité sont souvent moins grands et moins solides. Les familles sont plus petites, plus éclatées géographiquement. A l’adolescence, la plupart d’entre nous n’ont pas eu de petit frère ou de petite soeur. Le plus souvent, nous ne sommes confronté.e.s aux suites de couches, dans tous les sens du terme, que lorsque nous devenons parents. Les nuits hachées, l’allaitement à lancer et les difficultés qui en découlent, le soin constant qu’exige un nouveau-né.
“Ce n’est pas que tout allait beaucoup mieux dans les familles nombreuses d’antan mais pendant la période d’après-naissance, les autres membres de la famille cuisinaient, nettoyaient, s’occupaient des enfants.“
Et surtout: les jeunes parents savaient mieux ce qui les attendait. Ils avaient une image plus réaliste de ce qu’était le soin aux enfants parce qu’ils l’avaient déjà vu de près. Songez un instant à comment vous vous êtes fait une idée de la grossesse et de l’allaitement. Probablement au travers des histoires de votre maman, de vos amies mais aussi des films et des émissions télé, comme Baby Boom.
Temps nuageux après un parcours PMA
Dans mon travail thérapeutique, j’accompagne des couples qui rencontrent des difficultés avant, pendant et après la grossesse. Je rencontre aussi régulièrement des parents qui doivent leur bébé à un long parcours PMA. Ils s’attendaient à être fous de joie. Pendant des années, ils se sont concentrés sur une grossesse potentielle, s’imaginant qu’une fois le bébé là, tout irait mieux. Mais une fois le bébé né, ils se rendent parfois compte qu’ils ne sont pas aussi heureux qu’ils espéraient l’être.
Ces émotions sont tout à fait normales. Si c’est votre cas, vous avez traversé ce parcours avec des thérapies hormonales, des relations sexuelles sur commandes, l’incertitude quant au résultat. Un sacré défi psychique et une véritable épreuve mentale. Pas étonnant donc de vous sentir épuisé.e, les batteries complètement à plat. D’autant que les équipes PMA ne prévoient pas toujours un suivi psychologique pour les couples.
Peu importe votre histoire, si vous sentez que la situation devient difficile sur le plan émotionnel, il est important de chercher de l’aide dans votre entourage. La recherche nous montre que le soutien social est la meilleure protection contre les problèmes psychiques. Cette aide peut se traduire très concrètement et simplement par vous cuisiner des repas, vous offrir du babysitting, faire vos courses, plier votre linge. Mais aussi de vous offrir une oreille amicale qui vous écoutera ou une épaule secourable pour pleurer…
Covid: plus difficile mais pas impossible de demander de l’aide
Certes, les circonstances actuelles ne facilitent pas la vie des jeunes parents non plus. Il a rarement été aussi difficile de demander de l’aide au “village” pour prendre soin des enfants.
Pourtant, avec un peu de créativité, on se débrouille. On peut demander de déposer les courses ou un plat cuisiné devant la porte par exemple. Et quand il faut vraiment s’absenter, seul ou en couple, et que l’on redoute une contamination au covid, il suffit de demander à la personne de surveiller le bébé via babyphone depuis une autre pièce pour vous permettre d’aller prendre l’air. Petit conseil d’amie: partez dès que le bébé a mangé. Ne perdez pas ce temps précieux à changer un lange ou un pyjama.
Laisser son bébé n’est pas facile, c’est certain.
“C’est tout un apprentissage que d’oser le quitter, ne serait-ce que dix minutes.“
Encore plus si vous vous sentez angoissé.e ou que vous redoutez d’être contaminé.e. Je vous conseille de procéder par petites étapes, en commençant par dix minutes de promenade dans le quartier, par exemple. Bouger dehors à la lumière du jour, ça fait un bien fou! Même s’il ne faut pas s’attendre à ce que vous soyez requinqué.e d’un coup de baguette magique. Et puis, on a beau apprendre à lâcher prise, tous les parents vous le diront: l’inquiétude au sujet de nos enfants ne nous quitte jamais vraiment.

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Enfin, offrez-vous un moment à vous pendant que bébé dort. Pas question de rattraper le retard dans les tâches de la maison, de ranger la cuisine ou de passer le torchon. Certes, ça peut faire du bien aussi. Mais prenez ne serait-ce que dix minutes pour feuilleter un magazine, dessiner, rêvasser, bref faites un truc qui vous plaît!
Au sujet de l’auteure
Dr. An-Sofie Van Parys est sage-femme, travailleuse psychosociale, psychothérapeute et sexologue. Elle a travaillé pendant de nombreuses années dans l’aide à la jeunesse et a consacré son doctorat à la violence conjugale. Elle travaille comme sexologue et psychothérapeute au cabinet de sages-femmes Zwanger in Brussel ainsi qu’à l’hôpital OLV d’Asse. Elle accompagne les femmes et les couples qui rencontrent des problèmes psychiques, relationnels ou sexuels liés à la grossesse et l’accouchement. Elle coordonne également le projet de santé mentale périnatale initié par l’université de Gand tout en consacrant sa recherche postdoctorale à la santé mentale pendant la grossesse jusqu’à un an après la naissance. Elle a également abordé le thème de la césarienne et de la peur d’accoucher.