Accoucher, ça se fait à l’hôpital avec un gynécologue. Oui… mais pas nécessairement. Il existe en effet tellement d’autres possibilités. Avez-vous songé à accoucher en maison de naissance avec votre sage-femme? Et saviez-vous qu’elle peut aussi vous accompagner à l’hôpital? Sarah Maes et Laure Depuydt, sages-femmes, vous en disent plus.
Picture by Marijke Thoen
Quand on choisit d’être suivie par une sage-femme indépendante, c’est pour accoucher à la maison, non? C’est ce que s’imaginent, à tort, bon nombre de femmes. Bien sûr, la sage-femme indépendante vous accompagne volontiers pour le travail et l’accouchement à domicile, pour autant que cela vous convienne et que votre grossesse se déroule sans complications. Mais elle peut vous apporter bien plus, que vous souhaitiez accoucher à l’hôpital. Ou en maison de naissance. Ou que vous hésitiez encore. Voici un petit topo de ce qui s’offre à vous.
“Très tôt dans la grossesse, nous abordons avec les futurs parents ce qu’ils souhaitent, ce qui est possible, explique Sarah Maes, sage-femme chez Amala Espace Naissance à Bruxelles. Les couples que nous accueillons sont à la recherche de soins personnalisés, d’un accompagnement individuel. Ils veulent s’informer, poser leurs propres choix.”
Et ces choix sont pléthores lorsqu’on est suivi par une sage-femme indépendante. Parmi lesquels l’accouchement à domicile. “C’est toujours très particulier”, poursuit Sarah. Mais elle sait bien que tous les couples belges sont loin de se sentir à l’aise avec cette option. Pourtant, eux aussi peuvent bénéficier d’un suivi par sage-femme indépendante car dans de nombreux hôpitaux et maisons de naissance, la sage-femme peut mener l’accouchement de façon autonome. “Dès que le travail se met en route, nous nous retrouvons au domicile du couple ou à l’hôpital. Nous les accompagnons jusqu’à la naissance du bébé, moment auquel la sage-femme de la salle d’accouchement nous rejoint. Nous ne faisons appel au gynécologue qu’en cas de problème.”
Des soins personnalisés
Quel atout supplémentaire représente alors sa sage-femme personnelle? Ce sont des soins individuels garantis pendant la grossesse et l’accouchement, précise Sarah. “Votre sage-femme est là pour vous, et vous seulement. Elle ne doit pas tenir à l’œil trois autres femmes en travail, comme c’est le cas en salle d’accouchement classique.” Sarah sait de quoi elle parle: “Pendant tout un temps, j’ai travaillé mi-temps à l’hôpital, mi-temps comme indépendante. Je me suis rendu compte que progressivement, mon comportement en salle d’accouchement changeait. J’avais envie d’offrir ce soin “une-à-une” aux femmes qui ne voulaient pas de péridurale, mais du coup, je devais demander aux collègues de m’aider pour le suivi des autres femmes en travail, ce qui n’était pas toujours possible. Une femme qui veut mettre son bébé au monde par elle-même a souvent besoin d’un peu plus d’espace et de confiance, ce que le soignant doit pouvoir lui offrir. En milieu hospitalier, il est difficile de permettre ce temps, cette présence continue. Sans compter qu’on y connaît moins bien la physiologie, qu’on a tendance à intervenir trop rapidement dans le processus alors que le corps de la femme est fait pour mettre le bébé au monde.”
Picture by Marijke Thoen
Donner le temps aux femmes pour que la physiologie puisse se mettre à l’œuvre, c’est bien ça, le travail des sages-femmes, approuve Laure Depuydt. Elle est sage-femme au Cocon, le seul et unique gîte de naissance intrahospitalier de Belgique, qui se trouve à l’hôpital Erasme à Bruxelles.
“Le Cocon, c’est le juste milieu entre la maison et l’hôpital. Le lieu n’est pas intégré à la salle d’accouchement, explique-t-elle. Nous occupons un service séparé avec deux chambres de naissance. Imaginez cela plutôt comme deux chambres d’hôtel de luxe, avec un lit double, un bain, des lampes de sel, sans appareils médicaux visibles. Ils y sont, bien sûr, mais cachés, ajoute Laure en souriant. C’est un endroit où vous accouchez dans un environnement confortable, avec le soutien d’une sage-femme qui ne vous quitte jamais. Et si des complications devaient survenir, nous prenons l’ascenseur pour rejoindre nos collègues et les gynécologues de la salle d’accouchement. C’est très rassurant pour de nombreux couples.”
Un lieu de rencontre
Le Cocon propose, lui aussi, un suivi dès le test de grossesse positif. Les couples ont rendez-vous tous les mois pour leur consultation médicale: informations, mesure de la tension artérielle, contrôle de la croissance du bébé, vérification de son rythme cardiaque, ou autres prises de sang, comme le test prénatal non-invasif (NIPT). C’est un gynécologue de l’hôpital qui réalise les échographies.
On retrouve au Cocon bien des couples qui ont des souhaits opposés, raconte Laure. La dame voudrait bien accoucher à la maison, par exemple, mais son compagnon, pas du tout. Le public se compose surtout de personnes hautement instruites et d’artistes, constate la sage-femme. Mais aussi étonnamment de pas mal de femmes d’origine marocaine. “D’une part, elles souhaitent accoucher entre femmes et d’autre part, ce soin autour de la naissance fait partie intégrante de leur culture.”
Le Cocon est une véritable plateforme, ajoute Laure. “On y rencontre des gens avec une vision partagée, dans une même période de vie, qui traversent des transformations similaires.”
Un accompagnement physique et mental
Laure comme Sarah rencontrent de nombreux couples qui ont vécu un premier accouchement traumatisant. Que ce soit par manque de communication sur les avantages et les inconvénients des interventions, ou à cause d’une épisiotomie sans consentement. D’autres se sont senti perdus dans l’agitation de la salle d’accouchement. “La plupart de ces couples n’étaient pas du tout préparés à cette première naissance, estime Sarah. Ils découvrent un autre univers lorsqu’ils arrivent chez nous, ils vivent une expérience tellement différente.”
Ce suivi personnalisé se fait bien sûr pendant l’accouchement mais aussi tout au long de la grossesse. Laure: “En tant que sage-femme, nous ne nous occupons pas seulement de le côté médical, nous prenons le temps d’apprendre à connaître chaque couple en consultation. Les aspects psychologiques y ont la part belle: ce que signifie l’avènement de cette nouvelle famille, comment faire avec les aînés, mais aussi, comment gérer la douleur pendant l’accouchement, les avantages et les inconvénients de la péridurale, les positions qui favorisent le processus, etc. Sans oublier le boulot et la sexualité. Nos soins sont vraiment centrés sur la femme enceinte.”
Se préparer à l’accouchement, mais aussi au post partum
Sarah approuve: “Nous prenons le temps d’expliquer les changements physiques, que ce soit pendant la grossesse et l’accouchement mais aussi dans la période postnatale.” A force de se concentrer sur la naissance, les gens oublient souvent qu’il y a aussi un après. Lorsqu’on accouche au Cocon ou avec sa sage-femme, on passe les premiers jours à la maternité. Mais il est possible également de rentrer à la maison. Maman et bébé bénéficient alors d’un suivi quotidien chez eux. “Nous essayons de dresser un tableau réaliste aux parents parce que la vie change énormément avec un tout-petit. Oui, ils seront sur leur petit nuage mais il y aura aussi des moments difficiles, avec le manque de sommeil, les inconforts physiques.”
“Il est crucial de savoir ce qui vous attend comme parent, soutient Laure. Si vous savez comment se déroule l’accouchement et comment trouver du soulagement, vous êtes nettement moins stressée.”Ce que confirme Sarah: “Quand vous comprenez ce qui se passe dans votre corps, pourquoi vous ressentez telle ou telle sensation, vous vous sentez moins submergée, vous apprenez à apprivoiser ce qui se passe.”
Bien sûr, il arrive que des complications surviennent en cours de grossesse et qu’il faille consulter le gynécologue. Ainsi, en cas de diabète gestationnel, d’un bébé qui semble plus gros que la moyenne, ou qui se met en siège, les femmes sont référées au médecin. “Chez Amala, nous entretenons d’excellentes relations avec plusieurs gynécologues dans les hôpitaux où nous travaillons”, assure Sarah.
Quand la grossesse présente des risques
En principe, la sage-femme indépendante ne suit que les grossesses normales. Mais il arrive que dans certains cas de grossesse à risques, nous proposions un suivi conjoint avec le gynécologue, continue Sarah.
C’est le cas par exemple lorsqu’on dépasse le terme ou pour des jumeaux. Moyennant accord, la sage-femme peut alors rester aux côtés des parents pendant l’accouchement. “Mon rôle consiste à offrir mon soutien, à créer autant que possible cette ambiance paisible du domicile ou de la maison de naissance tandis que le gynécologue assure la responsabilité médicale.”
Cette ambiance paisible est essentielle lors de l’accouchement, confirme Laure. “Les hormones font moins bien leur travail quand on est tendue, distraite par un monitoring bruyant ou le va-et-vient du personnel.”
Picture by Marijke Thoen
Quand la naissance se complique
Si des complications surviennent pendant l’accouchement, la sage-femme indépendante reste aux côtés du couple, souligne Sarah. “Je veille sur leur cocon pour qu’ils vivent la naissance au mieux vu les circonstances. Ce vécu est aussi important que tout le reste.”
Dans ce cas, c’est le gynécologue de garde qui reprend la responsabilité médicale et la sage-femme hospitalière qui pose les gestes techniques, comme placer une perfusion ou rompre la poche des eaux. Quelle est alors la plus-value de la sage-femme indépendante en salle d’accouchement? Sarah: “Nous sommes ce visage familier. Nous vous connaissons, vous et votre partenaire. Nous défendons au mieux vos intérêts. Par exemple, si l’assistant gynécologue sort les étriers, nous vous demandons si vous ne vouliez pas accoucher sur le côté. Ou s’il faut intervenir médicalement, comme pour une épisiotomie ou une ventouse, nous vous expliquons ce qui se passe et demandons votre autorisation. Parce qu’ils reçoivent ces explications et qu’on leur demande ce consentement, les parents vivent mieux les interventions. Il est très rare qu’il n’y ait pas le temps d’expliquer ce que l’on fait et pourquoi.”
Picture by Marijke Thoen
Sarah se souvient d’une femme dont on devait provoquer l’accouchement à cause d’un problème cardiaque. Pour des raisons médicales, elle s’était vu imposer une péridurale, laquelle ne fonctionnait pas très bien. Sarah ne l’a pas quittée d’une semelle, l’aidant à gérer cette douleur inattendue. Sa présence s’est révélée un cadeau inestimable après la naissance aussi. “Le bébé étant prématuré, il n’était pas censé pouvoir faire du peau-à-peau avec sa maman après la naissance, lui avait-on dit. Mais finalement, comme il est né en pleine forme, le pédiatre a donné son accord parce qu’il savait que j’allais le surveiller en permanence. Dans ces cas-là, il est précieux d’avoir des accords clairs et solides entre le cabinet de sages-femmes et l’hôpital, et que le personnel nous connaisse.”
L’atout sage-femme
Laure ajoute: “C’est bien là ce qui nous distingue en tant que sage-femme: le temps et la présence. Nous sommes aussi plus accessibles qu’un gynécologue. Les gens peuvent nous appeler à tout moment, la nuit, le week-end, les jours fériés. C’est ça aussi, l’atout sage-femme.”
Reste à savoir si tout ce suivi ne coûte pas trop cher. Doit-on payer deux factures lorsqu’on accouche avec une sage-femme à l’hôpital? “Tout dépend de votre assurance hospitalisation, précise Sarah. Dès la première consultation, nous abordons le volet financier et les aménagements possibles en cas de difficultés. Nous tenons beaucoup à ce que chacune puisse avoir accès à nos services. Et puis, soyons claires, les frais d’un accouchement “normal” à l’hôpital peuvent aussi sérieusement grimper. Une de mes collègues dit en plaisantant qu’avec la prime de naissance, on peut s’acheter une poussette très chère ou un suivi avant, pendant et après la naissance du bébé.”
Biographies
Sarah Maes est sage-femme au cabinet Amala Espace Naissance (vénérable mère, en tibétain). Elle suit les grossesses et accompagne les accouchements à domicile, au gîte de naissance du Cocon, à l’hôpital Erasme et à la clinique Ste Elisabeth (Cliniques de l’Europe) à Bruxelles.
Laure Depuydt travaille depuis 2016 comme sage-femme au gîte de naissance Cocon, qui fait partie de l’hôpital Erasme à Bruxelles. Elle a travaillé auparavant pendant quelques années en Angleterre et au cabinet Zwanger in Brussel.